poème de l'hiver: l'arbre nu de la chanson
Par tous les arbres que l'hiver dépouille, et que les oiseaux ont fui, comme dans la chanson
Et en quelle langue cette chanson, ma mère, Mamelochen, et qui me la chantait?
Que me disais-tu que je n'entendais point? Et me parlais-tu?
Peut-être à un autre que moi, peut-être une autre
Une autre qui était en moi, une sœur plus grande que moi,
Se nommait-elle colère? Etait-ce la joie?
(Par toutes les maladies, O Mageyfe,
La Bobe nous parlait de son Gao, et j'ignore encore si c'était le foie!
Je compris du moins que Shmaté n'était qu'un chiffon!)
Etait-ce plutôt une fille blonde au bain, une fille hollandaise dont la chair débordait mes ténèbres?
Elle était nue, elle était rose, et elle me souriait de derrière mes murs!
Comme une certitude, comme un soleil radieux!
O par tous les blés de toutes les campagnes!
Moi, me disais-je alors, un jour je battrai tout ce blé, je le battrai comme plâtre,
Et je battrai toute cette fille blonde, et le blond de ces blés, et le blond de ce soleil
Le blond de ses seins?
Oui, je la battrai toute, O l'amour !
Et même le blond de ses cheveux trop drus
Je battrai la campagne, je battrai cette campagne, toutes ces campagnes, et ne restera à la fin que cette parole,
Que ce bon grain, cette chanson, qui parle d'un arbre, au bord d'un chemin, courbé désolé, les oiseaux sont partis vers le midi
Et jamais plus je ne serai un oiseau pour lui tenir compagnie!
Et jamais plus je n'aurai pour sœur, pour compagne, la blonde juive, qui me parlait flamand,
Du fond de son trou
Emmurée comme un soleil au fond de cet hiver-là
Ah celui-là...
Explication: dans la chanson, la mère a couvert l'enfant de tant d'habits pour qu'il n'ait pas froid qu'il ne peut plus s'envoler. Il renonce alors à devenir un oiseau, par pitié aussi pour sa maman. L'arbre demeurera désolé, sans compagnons ni feuilles, jusqu'au printemps...