La plus atroce de mes heures, celle que sonne l'horloge d'alors
L'habitude est mon chemin, O toutes Roses que je ne cueillerai point, O toutes épines qui ne me piqueront point, l'habitude est cette route qui ne mène point jusqu'à vous tous, O coquelicots pourpres de ma propre chair, et quand sonne enfin la plus attendue des heures, oui, la plus triste de toutes mes heures, je me souviens, et ne me souviens point, du moins comme il convient, selon la Mamé, selon la Bobé.
C'était l'heure que tu marquais, tel un signe, un nombre, un stigmate dedans le pied du crucifié, O clou rouillé, O balle du revolver, sur le tableau de mes nuits blanches, de mon large front, tableau blanc comme le lys, front blanc comme le linceuil, oui c'était bien ton fin visage, o femme frisée, toi l'heure la plus atroce et qui toujours revient, telle la maladie du marin, tel le désir mutin, odorant romarin! l'heure que vous marquiez sur mon front, vous, draps lourds comme un ours, et froids, si froids, même en été, et toi, la plus grande et la plus inepte de toutes les horloges! Tu sonnais mon heure comme on sonne le glas, le tocsin, et tu venais à moi comme on sort de scène, côté jardin, absurde comédienne, un sourire rouge comme une fleur dans tes cheveux, sourire rouge peint comme un refrain à même tes dents blanches. Parfois, la Mamé me jetait au visage un jouet comme on lapide la femme adultère, et une fois, l'ultime fois, O toutes les roses, O toutes les épines, et toi le serpent de ce paradis, elle tira si fort mes cheveux roux que ma tête si lourde et mon front si blanc churent par la fenêtre du jour, de la nuit, et des heures.De toutes mes heures.
O mon père, mon pourquoi, que j'attendais, tu devais me sauver, et tu me tuas.