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écrits du sous-sol 地階から
5 mars 2020

Abel Bonnard, ministre de l'Ignorance publique

 

Le ministère de l'Ignorance publique

Je me souviens vaguement qu'au temps où la gauche existait encore - il y en avait même plusieurs - certains, qui se croyaient marxistes et se trompaient fort, et peut-être pas que sur ce point, nous expliquaient que l'école n'est pas faite pour le peuple, mais pour la bourgeoisie. On ne disait pas encore l'élite. On préservera la flamme prolétarienne de ce peuple magnifique, sublime et obscur, et pour ne pas gâter sa belle morale spontanée, on le soustraira à une école qui n'a d'autre raison d'être que de l'humilier, le convaincre de son indignité, et peut-être l'embourgeoiser vaguement.

C'est dire en somme que l'enfant du peuple est incapable de lumières, ou bien que ces lumières sont mauvaises pour lui. Un peu comme la science est la mort de l'ignorant! On parle parfois du maître ignorant... Mais connaît-on Abel Bonnard, le ministre de l'Ignorance publique de Philippe Maréchal nous voilà Pétain?

Il y a en effet quelque chose de Völkisch, bref d'extrême droite, dans ces belles idées supposées de gauche: les Tsaristes voulaient avec Stolypine interdire l'université aux fils de cuisinières et de moujiks. C'était pour leur bien, on s'en doute, pour ne pas créer une caste de ratés, pleine de ressentiment, Loosers aigris avant la lettre! Mais il manquait quelque chose: le mélange de mépris du peuple et d'héroïsation de ce même peuple, considéré comme une masse vertueuse, le socle de la Nation, un réservoir de magnifiques jeunes gens, virils, très virils! Bien sûr, on voudra plutôt de nos jours chanter la peupl.e des dominé.e.s, contre le dominant riche, mâle, hétéronormé, violeur, forcément violeur. 

Bien  avant la guerre et la collaboration, notre Abel Bonnard, qui avait rencontré Adolf Hitler, retrouvait sans peine  les idées du "pédagogue" et poète danois Grundtvig pour chanter dans son pamphlet, Eloge de l'ignorance, la véritable éducation, celle toute virile, on l'imagine, des Pères, au plus près des clochers. C'est gâcher la beauté du peuple, aussi sublime qu'obscur (et réciproquement, il faut bien le dire), c'est perdre du temps et de l'argent, que de rêvasser d'une éducation populaire. Un folklore en vaut (presque) un autre, la glaise maréchalesque l'océan viking! 

Cet éloge "völkisch" (je vous rassure ce n'est pas du yiddish mais bien de l'allemand!) exaltait les « vertus » des plus simples, celle de ces « hommes attachés à une terre ou à un outil ». Royaliste, Abel Bonnard aimait le peuple d'autrefois, heureux car préservé tant de la lecture que de l'écriture. Que dis-je? Le peuple, hier comme aujourd'hui, veut se préserver des infectes lumières, ce poison,- et c'est un « instinct salutaire » qui le protège des néfastes séductions de l’instruction. Ignorance, instinct divin!

Plus tard, à partir de 1941, dans le journal Je Suis Partout, notre brave fasciste et collabo, par ailleurs académicien, et il l'avait bien mérité, méditera la conditon du paysan, ou encore de l’homme des métiers - cet « homme simple », qui parle du fond de son « expérience » et de sa « sagesse », porte en lui un mérite vital, un instinct obscur, propre aux vrais Français, aux « Français fondamentaux ». La Révolution nationale, c'est son devoir, retrouvera la fraîcheur de cet instinct que l’école républicaine leur a fait oublier. Il faut délivrer ce peuple sublime et simple en "sautant par-dessus Descartes". Jusqu'aux étoiles? 

Jules Ferry était selon Clémenceau un imbécile, et Abel Bonnard, selon Philippe Pétain (qui n'avait pas inventé le mot je crois), une "gestapette". Rassurons-nous Pétain était pour Bonnard un vieux gâteux, un brochet qui marinait dans l'eau bénite et se montrait rarement lucide! Je ne sais pas ce que pensait Ferry de Clémenceau, je l'avoue, mais après tout je ne suis pas historien.

Voici l'amusant commentaire que je trouve sur un site d'une librairie très catholique, et qui oublie de mentionner le pédigree et le joyeux hommage au fascisme de notre collabo de Poitiers : 

"L'Éloge de l'ignorance (1926) d'Abel Bonnard n'est pas le piquant développement d'un paradoxe tendant à valoriser l'ignorance au détriment de la connaissance.
Ce livre n'est pas non plus, au rebours de l'interprétation que l'on a longtemps donné de lui, une des nombreuses critiques de l'École républicaine, comme il s'en publiait alors couramment à l'époque, de valeur inégale. 
À la différence de la plupart de ses contemporains, Bonnard ne se borne pas, ici, à brocarder l'indigence, l'orientation idéologique et l'inanité du savoir diffusé par l'institution scolaire.
Cet antirépublicain absolu démontre que l'École républicaine est fondée sur une conception fallacieuse de l'homme, considéré par elle comme un être de pure raison, fait pour la seule connaissance, ayant vocation, grâce à elle, à s'émanciper et à s'assurer la maîtrise de l'univers, suivant une évolution caractéri sée par un progrès constant de ses conditions de vie.
Cette vision de l'homme est à l'origine de toutes les aberrations éducatives et politiques de notre République. Loin d'élever les hommes, elle les dessèche et les aigrit, les détournant de toute possibilité d'embellissement de leur destin.
Le retour à une vision plus saine et plus noble de l'homme et de la culture passe par la déscolarisation de la société. "

Hélas, en réalité l'œuvre de ce ministre sera mince, il ne se distinguera guère, mis à part ses actions antisémites, que par le physique avantageux de son directeur de cabinet...

Tout cela est décidément très gai! Et malgré l'inactivité de ce ministre dilettante (sans jeu de mots), quel exaltant programme! Notre beau pays, qui a de la suite dans les idées, s'est bien rattrapé depuis!

Amusant de voir ces hommes friands de porter robe et d'importuner les petits enfants, et les plus grands aussi, se poser en gardiens intransigeants de la vertu patriarcale! Magnifique résumé de ce qu'est l'amour déçu, et ses illusions! Il est fait d'amour, bien sûr, il est fait de mépris, bien sûr.  

 

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  • Confiné dans mon sous-sol depuis mai 2014, j'ai une pensée pour tous les novices du confinement! Mais comme j'ai dit souvent, tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre...
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