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écrits du sous-sol 地階から
1 octobre 2022

Un samedi pas comme les autres - poème en prose

"Recollons les morceaux", dit un beau samedi le vieil homme, le vieux maître oublié, revenu enfin de Pologne, ou peut-être de la Dobroudja.

 

Mon âme, ma Reine, mon bel et doux amour, Samedi, comme je fus Vendredi, ô femme voilée, à jamais dissimulée, inconnue, toujours une autre, jamais la même, souviens-toi, si tu le peux, souviens-toi pourtant de moi. Ton amant et bien davantage! Nous n'étions qu'une, au premier commencement j'étais le premier homme et toi, bien sûr, tu étais tout, je baignais en tes larmes comme en une matrice, car tu pleurais, mon amour, tu pleurais de joie, Reine, tu étais ma maîtresse, et ma mère et ma soeur, et moi, bien sûr, je n'étais rien du tout, Rien comme toi tu es Reine, rien que le second homme d'alors, puisqu'il en fut un premier, et que c'était toi aussi, ô Reine incomparable et voilée, ô nature de toutes choses, et du chaos. J'étais pourtant ta mémoire, ta conscience, ton amour, ton intelligence, ô mon âme! Pourquoi m'as-tu oublié? Pourquoi m'as-tu égaré? Pourquoi t'es-tu, comme on dit, cassée? Car tu gis, toute brisée, ô l'amour! En quel monde d'oubli vis-tu, si tu vis, à présent, au loin, sur la rive menteuse de quel océan? Par les eaux, et les cieux, et la terre!

Tu étais potière bien négligente, ma Reine, ma mie, même si je ne te reproche rien, ton feu était trop fort pour moi, et il me brûlait tout entier, le corps et l'âme, et toi, mon âme, car moi  je n'étais que glaise, boue rougeâtre, dont tu fis le second homme, et la seconde femme. Mais tu n'es plus depuis longtemps! Il y eut le feu à ta maison et toute ton eau, magique pourtant, ne put jamais l'éteindre! Je ne te reproche rien, je t'aime tant, mais tous tes vases furent brisés, tous sauf toi peut-être, mon âme, tu es tout ce qu'il reste de cet amour enfui, de cet amour cuisant. Tu me voulus libre, affranchi de toi, mais je crois toujours en toi, ma mère, ma Reine, et espère que mon espérance, si je trouve les bons mots, et surtout les justes nombres , d'autres nombres que ceux d'aujourd'hui, te rendront enfin à moi, à mon amour, à ton amour, ô Incomparable ! J'ignore ton nombre véritable, tu n'es plus tout à fait une, tu t'ignores et tu t'oublies, je le dis, tu fis tant de mal, et tant de malheur, et ton peuple, ta famille, semble à jamais perdu! J'ignore quelle fut ta langue véritable, et tout comme moi tu ne parles plus les vrais mots, tu as oublié depuis si longtemps que tu étais femme, mon épouse, ma mie et mon tout!

Le jour de nos retrouvailles sera celui de nos épousailles, tu ne seras plus mauvaise comme tu l'es à présent, nous fuirons ce monde faux et par la force d'un seul et même devoir, qui porte ton nom, ô l'Amour!

 

Et à présent, quelques débris de ces vases brisés, et faux, et menteurs:

Je t'aimais tant, et tu n'étais pourtant dans ton chaos que fruit de mon vouloir. Toi pourtant, et mon père et ma mère! Oui, les deux, et à la fois. Mon amour était tout amour, et dans sa chaleur, digne d'un four, je te forgeais, par cette chaleur même, ah mon vouloir! Ma destinée tenait à la loi, et la loi à cet amour, cette piété. Tous les vases étaient brisés, ce n'était guère la faute du potier. Il y avait tous ces mots, et toutes ces lettres, et tous ces nombres. Mais hélas je le dis tous les vases étaient brisées, sauf ma conscience, et l'or las de mon vouloir, de mes intentions. Je respectais le chaos de la loi, des lois, mais j'en ignorais l'esprit, car je n'aimais guère que la lettre. J'aurais voulu unir le grave et l'aigu, le chaud et le froid, le oui et le non, le mot et la chose, l'homme et puis la femme.

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Commentaires
écrits du sous-sol 地階から
  • Confiné dans mon sous-sol depuis mai 2014, j'ai une pensée pour tous les novices du confinement! Mais comme j'ai dit souvent, tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre...
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