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écrits du sous-sol 地階から
7 novembre 2022

Le dieu du cagibi. Conte japonais

Il était une fois, on ne sait plus où, un brave homme et son épouse qui vivaient dans la plus grande pauvreté. Pourtant tous deux étaient extrêmement  travailleurs, mais ils n'arrivaient pas à s'en sortir: c'était tout de même assez mystérieux! Toujours est-il que leur maison tombait en ruine, que leurs vêtements étaient en lambeaux, et que leur estomac était toujours vide! Ils se tuaient au travail sans jamais réussir à joindre les deux bouts.

Arriva le nouvel an avec le rituel du grand nettoyage. "Il faut récurer toute la maison", se dit le brave homme, toujours aussi vaillant malgré la faim  ! Il ouvrit donc la porte du cagibi, ce qui n'était pas si facile car elle était clouée. Mais .... voilà qu'il entendit, venu de l'étroit et obscur réduit, un bruit bizarre !

Cela faisait quelque chose comme "fiouh, rrhoo, grraah, fiouh rrhoo grahh..."

Il jeta un coup d'œil à l'intérieur du cagibi, et il vit avec stupéfaction qu'un vieillard, qui lui était complètement inconnu , y ronflait tout à son aise. C'était un petit vieillard tout maigre,.

- Ah,, ça, c'est trop fort! Eh, le vieux, qui es-tu donc? Qu'est-ce que tu fais là ?

Le petit vieillard se redressa, et répondit, tout en baillant:

- Moi? Eh bien, je suis le dieu de la misère, bien sûr ! Ah, que j'aime votre maison! Vous savez, j'y suis vraiment très, mais alors très attaché! A propos, bonne année !

- Ah, il est poli dites donc! Quel sans gêne ! Quelle... misère !

L'homme se dépêcha de refermer le cagibi, et réfléchit un peu: " dans ces conditions, vu que le dieu de la misère loge chez nous, on n'arrivera jamais à s'en sortir ! Et puisqu'il ne veut pas sortir de là, c'est nous qui allons partir d'ici le plus vite possible !"

Il raconta tout à sa femme, et elle fut d'accord pour s'enfuir avec lui.

Ils étaient déjà en train de faire leurs préparatifs quand leur parvint du fond du cagibi un bruit étrange : ça ressemblait bien à une voix éraillée qui fredonnait quelque chose comme " lalala, y a pas, cœur et corde, je vous suivrai partout, j'irai avec vous jusqu'au bout du monde!"

 On décloua la porte pour voir ce qui se passait dans le cagibi. Quel spectacle ! L'homme et la femme en restèrent bouche bée ! Le dieu de la misère était en train de tresser de la paille de riz tout en chantonnant. Il en faisait des cordelettes.

- S'il vous plait, dites-nous, O dieu de la misère, qu'est-ce que vous nous fabriquez là ?

Le vieux répondit en souriant : - vous déménagez, alors je viens avec vous! Moi aussi, je veux voyager! Je tresse des cordelettes pour me fabriquer des sandales de paille, des "waraji" comme vous dites par ici ! J'ai presque fini, ne vous inquiétez pas ! Attendez-moi, j'en ai pour un instant !

Décidément, il n'y avait rien à faire pour se débarrasser de Misère ! Ils renoncèrent donc à partir de chez eux, et comme la misère logeait chez eux, ils avaient beau se donner de la peine, leur existence ne s'améliorait pas du tout, bien au contraire ! Une année passa et ce fut de nouveau le nouvel An. Mais que se passait-il ? Voilà que du fond du cagibi on entendait des pleurs! Le brave homme, inquiet, se dépêcha de déclouer la porte. Le vieux était en larmes.

- S'il vous plaît, dites-nous, O dieu de la Misère, pourquoi pleurez-vous ainsi ?

Misère répondit tout en reniflant: - cette année, c'est le tour du dieu de la Fortune de venir chez vous, dans cette maison ! Je dois vous faire mes adieux! Ah, misère, moi qui vous étais tellement attaché ! Quand j'y pense, j'en ai le cœur brisé !

Quand ils entendirent ça, tous deux fondirent de pitié pour Misère, car ils avaient un cœur d'or. Sans même prendre le temps de réfléchir, ils décidèrent, tout émus, de garder Misère avec eux. Ah! Il pouvait bien rester chez eux pour toujours s'il le voulait ! Non, jamais ils ne le laisseraient tomber! Il avait eu tellement d'attentions pour eux deux ! Ils lui devaient tant !

Sur ces entrefaites, voilà que Fortune était arrivé. Le dieu de la Fortune était aussi gras que Misère était maigre. Il se dirigea vers la porte pour entrer, mais ... il aperçut la silhouette de Misère dans la pénombre de son cagibi. 

- Ah ça, tu es encore là ? Quand j'arrive quelque part, tu es censé prendre tes clics et tes clacs et décamper ! Allez, ouste!

- Non, je reste là ! C'est que moi, j'aime cette maison! Je veux vivre ici pour toujours ! C'est toi qui vas t'en aller!

Et le brave homme dit à son tour : - Oui, oui, Fortune, vas-t'en!

Et la brave femme se mit alors à crier: - Vas-t'en ! Vas-t'en ! Vas-t'en, dieu de la Fortune!

Stupéfait, car c'était la première fois qu'on le chassait ainsi, le dieu de la fortune se vit poussé dehors sans ménagement, il trébucha et roula dehors, perdant en route son maillet magique. 

Le brave homme et la brave femme vécurent toute leur vie très heureux, en compagnie de leur cher Misère, qui passait le plus clair de son temps à ronfler dans le placard sans gêner personne. Il devint très gros, comme ses deux hôtes, car quand l'un d'entre eux avait faim, il n'avait qu'à secouer un peu le maillet magique pour faire apparaître du poisson frit et du riz, du saké, des allumettes, bref tout ce qu'ils désiraient !

 

 

 

 

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  • Confiné dans mon sous-sol depuis mai 2014, j'ai une pensée pour tous les novices du confinement! Mais comme j'ai dit souvent, tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre...
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