Lewis Carroll ou bien Hume? Paréidolie
Le sourire du chat de Cheshire ne m'étonne guère. Cela prouve en somme que la perception est pleine de significations, et que nous ne pourrons pas séparer, par exemple, le jaune du tableau de l'angoisse qu'il matérialise. C'est du moins ce qu'écrit Sartre à propos du ciel jaune peint par le Tintoret au-dessus du Golgotha: il est angoisse, il ne se contente pas de la signifier.
Mais ce n'est pas réciproque car la signification peut se poser presque sur tout, au gré de nos humeurs; d'où le terme savant de paréidolie.
Ainsi la poignée de la porte, si elle est ronde, nous paraît être et ne pas être un visage bienveillant. Un effort de plus, certes impossible, et nous percevrions le sourire sans les lèvres ! Il nous faut en réalité la tête aimable du chat pour visualiser l'idée du sourire sans sourire, sans lèvres !
J'y vois un rapport avec la synesthésie : à défaut d'entendre des couleurs, je vois des significations morales (ici "moral" veut dire "abstrait").
Voilà ce qu'ecrivait Hume à propos d'un problème analogue, de psychologie et de théologie :
"We have only this choice left, either to suppose that some beings exist without any place; or that they are figur'd and extended; or that when they are incorporated with extended objets, the whole is in the whole, and the whole in every part."
De fait, "nous utilisons dans notre manière de penser la plus familière ce principe scolastique qui, proféré crûment, paraît si choquant : totum in toto et totum in qualibet parte; et c'est absolument comme si nous disions qu'une chose est en un certain lieu et cependant n'y est pas". Cela s'explique par les mécanismes associatifs de notre imagination, c'est-à-dire par le fonctionnement de notre psychologie.
Pour moi, ce fut du moins l'occasion d'une citation en anglais !