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écrits du sous-sol 地階から
24 mars 2019

Le bureau des chats, conte japonais sur le harcèlement

 

LE BUREAU DES CHATS 猫の事務所

D'après Miyazawa Kenji 宮沢 賢治 ou bien 宮澤 賢治

 

宮沢 賢治, né le 27 août 1896 à Hanamaki. Mort le 21 septembre 1933. Poète et auteur de contes. Bouddhiste fervent. Miyazawakenji est également le nom d'un astéroïde, ce qui fait de Miyazawa une sorte de second petit Prince. 

 

Quelles occupations bizarres que celles de l'Administration des chats!

A quoi riment donc toutes ces simagrées ? Fait-on progresser bien vite, à force de réunions, la science, l'histoire et la géo? L'on est au service du public, l'on fait preuve pour lui de trésors de pédagogie, l'on vénère son chef, il présente si bien avec ses beaux yeux, son poil encore noir et sa grosse tête vide, on lui fait du rentre dedans et du boniment, des courbettes et des sourires. C'est dans l'espoir qu'il raye d'un élégant trait de plume nos aimables rivaux.

Car, n'est-ce pas, c'est la tâche qui fait la dignité du chat, et il n'y a plus - hélas ! - assez de travail pour tout ces minous... Mais quoi, point de conclusion hâtive, il ne s'agit ici que de mignons matous ! Apparemment, ils ont eux aussi leurs juifs et leurs têtes de turc! 

Bref, s'il faut tout dire, il s'agit ici du harcèlement...

  

Le sixième bureau de l'administration des chats se trouvait à proximité  d'une simple halte du chemin de fer. On s'y occupait pour l'essentiel d'histoire et de géographie. L'histoire et la géographie des chats.

Tous les greffiers portaient le même vêtement court et noir, tout en satin. C'est pourquoi on les respectait énormément, si bien que lorsque, pour une raison ou pour une autre, un greffier faisait défection, tous les jeunes chats voulaient la place mordicus. Ah, ça en faisait du tapage! Mais le nombre des greffiers étant fixé une fois pour toutes à quatre, à la fin on ne prenait jamais qu'un seul de tous ces postulants, à savoir le plus lettré, celui qui lisait le mieux la poésie. 

Le chef du bureau était un gros chat noir, il était bien un peu gâteux, mais on aurait dit que ses yeux étaient traversés d'innombrables fils de cuivre, alors, bon, il faisait très bien l'affaire !

À présent, passons à ses subordonnés :

. Le premier greffier était un chat blanc.

. Le deuxième greffier était un chat tigré. 

. Le troisième greffier était un chat tricolore.

. Le quatrième greffier était un chat fourneau.

Un chafourneau?

On ne naît pas chat-fourneau, on le devient.

Un chat-fourneau, c'est un chat de n'importe quelle race, mais qui a pris l'habitude de se fourrer toute la nuit dans le fourneau pour dormir au chaud, alors son corps est toujours enduit de suie, en particulier son nez et ses oreilles, qui sont tout crasseux.  C'est vraiment là un drôle de chat, on dirait en somme un blaireau! C'est pourquoi tous les autres chats l'ont en abomination. Et pourtant, c'est bizarre, ce chat-fourneau, qu'on n'aurait jamais imaginé - aussi instruit soit-il - être pris comme greffier dans ce bureau, a été choisi parmi quarante postulants. C'est peut-être bien parce que le chef de bureau est un chat noir...

Au milieu du grand bureau le chef, le chat noir, est affalé derrière une table recouverte d'un grand tissu tout rouge. A sa droite se trouvent le premier greffier le chat blanc et le troisième greffier, le chat tricolore, à sa gauche le deuxième greffier le chat tigré et le quatrième greffier, le chat-fourneau. Chacun a sa petite table devant lui et est assis, très digne, sur sa chaise.

À propos, vous vous demandez peut-être à quoi ça ressemble chez les chats l'histoire et la géographie? Eh bien, voilà:

On frappe à la grande porte du bureau, toc toc. Les mains dans les poches le chef du bureau, le chat noir,  crie à vous faire sursauter: "entrez!". Pour se donner l'air d'être occupés, voici nos quatre greffiers qui plongent du nez et se mettent à chercher dans leurs registres.

Un chat de luxe fait son entrée dans le bureau.

"Que puis-je pour vous?" demande le chef.

- Je voudrais aller dans la région du détroit de Béring pour manger de la souris des glaces, quels endroits pouvez-vous me conseiller ?

- Eh bien, premier greffier, dites-nous les zones de production de souris des glaces.

Le premier greffier, ouvrant son grand registre bleu, répond :

- Ustragomets, Nobaskaya, dans la vallée du fleuve Fusa.

- Ustragomets, Noba... Comment avez-vous dit?

"Nobaskaya" répondent en chœur le premier greffier et le chat de luxe.

"Bien sûr, oui, Nobaskaya, et après !? "

"Le fleuve Fusa" répondent de nouveau en chœur le chat de luxe et le premier greffier. Aussi le chef du bureau a l'air un peu déconcerté.

- Bien sûr, bien sûr, oui, le fleuve Fusa. Là-bas, oui, ce sera très bien.

- N'y a pas de mises en garde particulières pour ce voyage?

- Ah, deuxième greffier, donnez-nous lecture des mises en garde pour les voyages dans la région de Béring.

Le deuxième greffier se met à feuilleter son propre registre:

- Le voyage est totalement contre-indiqué pour les chats estivaux.

Tandis qu'il disait cela, tous regardaient avec insistance dans la direction du chat-fourneau, on se demande pourquoi.

- Attention, il y a aussi quelques préconisations pour les chats hivernaux. Près de Hakodate, gare à la viande de cheval, vous pourriez vous faire capturer. Et il y a un avertissement qui concerne particulièrement les chats noirs, n'oubliez pas pendant le voyage de bien montrer que vous êtes un chat, sinon on vous prendra pour un renard noir de base et il va de soi qu'on vous fera la chasse.

- Bien. Je crois qu'on peut s'arrêter là. Cher Monsieur, comme vous n'êtes pas, contrairement à votre serviteur, un chat noir, vous n'avez pas trop à vous inquiéter. Mais prenez bien garde à la viande de cheval à Hakodate. 

- Mais comment s'appelle le potentat du coin?

- Troisième greffier, donnez-nous lecture des noms et titres du potentat de la région de Béring.

- Oui, mais c'est qu'il y a deux noms dans cette région de Béring:Tobaskyi et Genzoskiy.

- Tobaskyi et Genzoskiy, ce sont, expliquez-moi, quel genre de gens?

- Quatrième greffier, procédez à la lecture de la notice concernant Tobaskyi et Genzoskiy.

- Tout de suite, oui. 

Le Chat-fourneau, le quatrième greffier, avait glissé à l'avance sa petite patte à l'endroit de son grand registre consacré à Tobaskyi et Genzoskiy et il n'attendait plus que cet ordre. Aussi fit-il grande impression tant au chef de bureau qu'au chat de luxe. Mais les trois autres greffiers le regardaient de biais tout en ricanant, "hé hé hé", le trouvant tout à fait ridicule.

Chat-fourneau lisait de son mieux la notice biographique :

- Le leader Tobaskyi est très influent moralement. Bien que son regard soit perçant il s'exprime avec un peu de lenteur. L'oligarque Genzoskiy s'exprime avec un peu de lenteur, mais il a le regard perçant.

- Eh bien, merci pour toutes ces explications!

Sur ces mots, le chat de luxe sortit du bureau.

Ah là là, dites donc, comme c'était commode pour les chats de travailler là ! Car cette histoire se passait il y a maintenant six mois,  aujourd'hui, il n'y a plus de bureau numéro six. Comment cela est-il arrivé ? Mes amis, vous le saurez si vous êtes attentifs.

Les trois autres greffiers détestaient terriblement Chat-fourneau, le quatrième greffier. En particulier, le troisième greffier, le chat tricolore, crevait d'envie de s'emparer des tâches de Chat-fourneau. Chat-fourneau avait beau faire mille efforts pour se faire bien voir de tous, cela ne changeait absolument rien à sa situation, non rien du tout. Par exemple, un jour son voisin, le chat tigré, s'apprêtait à déjeuner, il avait posé sa gamelle sur la table, quand il fut pris soudain d'une envie de bailler. Donc le chat tigré étira aussi haut qu'il le pouvait ses deux petites pattes de devant et il poussa un énorme bâillement.

 Chez les chats, même en présence d'un supérieur, ce n'est en rien impoli, si ç'avait été chez les humains on lui aurait immédiatement tiré les moustaches, mais là non, on s'en moquait. Non, ce qui n'allait pas c'est qu'en y prenant appui avec ses pieds il faisait pencher un peu sa table si bien que sa gamelle finit par glisser et alla finir sa course juste devant les pieds du chef de bureau. Cela l'avait bien un peu cabossée, mais comme elle était en aluminium au moins elle ne se cassa pas. Quand il vit cela, le chat tigré mit tout de suite fin à ses bâillements et se penchant par dessus sa table il étendit son bras pour rattraper sa gamelle, mais à chaque fois qu'il croyait y arriver, comme son bras était un peu juste, la gamelle lui échappait, il la poussait dans tous les sens sans réussir à l'attraper.

" Oh là là, encore raté, tu ne l'attraperas donc jamais!" riait le chat noir, et tout en parlant il mastiquait bruyamment du pain.

Quand il vit cela, le quatrième greffier, le Chat-fourneau, qui venait tout juste de soulever le couvercle de sa propre gamelle, laissa là son repas et alla ramasser la gamelle du chat tigré pour la lui rendre. Seulement, le chat tigré se mit alors dans une colère terrible et refusa de la prendre, pour bien le montrer il croisa ses pattes derrière son dos et tremblant horriblement de tout son corps, il cria:

 

- Quoi!? Comment?Tu oses,toi, me commander! Me dire à moi: "allez, bouffe ce qu'il y a dans cette gamelle!" Tu me demandes de bouffer un repas qui est tombé par terre ? C'est ça que tu veux?

- Point du tout, mais c'est que vous ne parveniez pas à attraper votre gamelle. Veuillez m'excuser mais vous vous donniez tant de mal que je me suis permis de la ramasser pour vous.

- Fi! Je ne voulais pas du tout la ramasser. Seulement, cette chose qui avait roulé à ses pieds constituait une insupportable offense pour notre cher chef du bureau , alors j'essayais de la cacher sous la table.

- Ah c'était donc ça ? Mais comme je voyais la gamelle bouger dans tous les sens, je me suis permis...

- Quoi, quelle insolence! Il n'y a qu'un duel qui...

- Chabada chalalère là là!

Ça, c'était le chef du bureau qui se sentait obligé d'intervenir, en criant bien fort. C'est qu'il ne pouvait tout de même pas les laisser s'entretuer!

- Allons, allons, à quoi bon se disputer? Chat-fourneau n'a pas ramassé ton repas pour te le faire avaler, Chat tigré ! Ah, ce matin, j'ai oublié de te dire quelque chose: Chat tigré, ton salaire est augmenté d'un centime!

Chat tigré, au début, avait eu bien peur, puis il avait écouté, l'air contrit, en baissant la tête, mais à la fin, il ne pouvait plus contenir sa joie!

- Je ne puis trouver de mots pour vous remercier de votre générosité.

Ensuite il se rassit, non sans regarder d'un air insolent son voisin, Chat-fourneau.

Oh, mes amis, que je suis inquiet pour Chat-fourneau !

Cinq ou six jours plus tard, vint à se produire un événement tout à fait similaire. Il y a en effet deux raisons qui font que ces choses arrivent si souvent chez les chats: primo ils sont très paresseux, secondo leurs pattes de devant, leurs bras si l'on préfère, sont fort courts.

Cette fois-ci, avant d'entamer les tâches de la matinée, l'un des chats assis en face de Chat-fourneau, le troisième greffier, le chat tricolore, fit tomber par terre son stylo. S'il s'était levé pour le ramasser l'affaire ne serait pas allée plus loin, mais pour ne pas se fatiguer il se contenta d'allonger ses deux pattes de devant par dessus sa table, tout comme auparavant le chat tigré. Et cette fois-ci encore cela rata misérablement. Le chat tricolore, même pour un chat, était très petit, il dut se pencher de plus en plus pour atteindre son stylo, ses pattes dérapèrent de son siège et... patatras!

"J'y vais, ou bien non?" s'était demandé au début le Chat-fourneau. Il se souvenait en effet de la dernière fois, il hésita donc tout un moment en clignant des yeux, et puis à force de voir ça, il n'y tint plus, il se leva. C'était juste au moment où le chat tricolore, se penchant trop en avant, culbutait avec fracas et tombait de son bureau la tête la première. Horrible spectacle ! Et quel vacarme! Du coup, même le chef du bureau, le chat noir, se leva et alla prendre sur une étagère derrière lui un flacon de sels anglais qui s'y trouvait par précaution. Mais le chat tricolore se relevait déjà et se mit en furie:

" C'est toi, Chat-fourneau, qui m'as poussé ! C'est à cause de toi!"

Mais cette fois-ci, le chef fit tout de suite taire le chat tricolore.

"Mais non, chat tricolore ! C'est ta faute à toi tout seul! Le Chat-fourneau n'a fait que se lever pour t'aider. Il ne t'a même pas touché. Voyons, ce n'est rien, tu n'es pas blessé, il n'y a pas de mal. Alors, tout va bien, bon, alors, le changement d'adresse de Nantonan..."

Le chef s'était remis aussitôt  à son travail. Il n'y avait pas d'autre solution pour le chat tricolore que de faire comme lui, mais de temps en temps il  jetait à Chat-fourneau des regards pleins de menace.

 

Un tel traitement devenait insupportable à Chat-fourneau.

 

Chat-fourneau avait bien des fois tenté de devenir un chat normal en dormant dehors, sur le rebord de la fenêtre. Mais le froid de la nuit le faisait éternuer sans arrêt, c'était insupportable, alors il n'y avait rien à faire, à la fin il retournait dans son fourneau. Pourquoi donc avait-il si froid? C'est que sa peau était toute fine! Et pourquoi donc sa peau était-elle si fine? C'est qu'il était né un jour de canicule.

" En fin de compte, se disait Chat-fourneau, c'est bien moi qui suis mauvais, il n'y a vraiment rien à faire". Et ses yeux de se remplir de larmes, de grosses larmes toutes rondes.

 " Ah, bien sûr, ce monsieur, le chef du bureau, il est bien gentil avec moi. Et tous mes amis pensent que j'ai bien de la chance de travailler dans ce bureau, que c'est un grand honneur, et ils s'en réjouissent pour moi. Alors, même si c'est une souffrance, je n'ai pas le droit d'abandonner. Oui, je dois m'endurcir."

Chat-fourneau, tout en pleurant, serrait ses petits poings.

" Ce chef de bureau, aussi, on ne peut jamais compter sur lui. Tous les chats s'extasient devant son intelligence et en réalité ce n'est qu'un imbécile. "

Un jour, ce malchanceux de chat-fourneau attrapa un rhume si carabiné qu'il ne pouvait plus se tenir debout, il lui fallait se tenir roulé en boule. De toute façon, il ne pouvait pas marcher, il valait encore mieux qu'il passe la journée à reprendre des forces en se reposant. On ne pouvait même pas dire qu'il se battait contre la maladie, non, il pleurait, il pleurait, il pleurait. Tout en contemplant la lumière du soleil qui venait par la lucarne inonder son gourbis, il passa donc la journée à pleurer et à se frotter ses yeux inondés de  larmes.

 

Mais pendant ce temps, voilà ce qui se passait au bureau...

- Tiens, dit le chef lors d'une pause dans le travail, Chat-fourneau n'est pas encore arrivé. Il est en retard.

- Ah, il doit être à la plage en train de prendre du bon temps, fit le chat blanc.

- Mais non, il doit plutôt être invité à quelque réception! dit le chat tigré.

- Ah, il y a donc une réception aujourd'hui? demanda, très étonné, le chef.

Il n'imaginait même pas, en effet, qu'une réception puisse se dérouler sans lui.

- Mais oui, il paraît qu'on inaugure une école dans le Nord.

- Ah bon.

Le chat noir se tut et se mit à réfléchir.

- Vous vous demandez pourquoi, c'est ce Chat-fourneau... Vous ne savez donc pas? fit le chat tricolore. Ces derniers temps Chat-fourneau est invité partout. Il paraîtrait qu'il raconte à qui veut l'entendre qu'il est le prochain chef du bureau des chats ! C'est pourquoi tous ces imbéciles se sont mis à prendre peur et ils essayent de s'attirer ses bonnes grâces. Vous n'imaginez pas jusqu'où ça va !

- C'est vrai ce que tu me dis là?

- Mais oui, lui répondit le chat tricolore, la bouche en cul de poule, c'est la vérité vraie. Si vous voulez, Excellence, en avoir le coeur net, instruisez donc votre propre enquête !

- Ah, c'est une honte! Il m'a bien berné ! Mais j'ai une idée.

Le silence se fit alors dans le bureau des chats, mais le lendemain...

 

Chat-fourneau, se sentant enfin les pattes moins gonflées, se leva tout joyeux de bon matin et se rendit au bureau.

Sur le chemin, le vent soufflait, wouh, wouh, le vent soufflait bien fort. Il était le premier arrivé, il vit tout de suite que son registre, qui était si important pour lui qu'il en aurait caressé la couverture, eh bien son gros registre ne se trouvait plus sur sa table à lui. On l'avait coupé en trois pour le distribuer sur les trois tables des autres greffiers.

"Oh, oh, se dit-il à lui-même, de sa voix toute enrouée, il y a dû y avoir beaucoup de travail hier!" 

Mais pourquoi sentait-il son coeur battre si fort dans sa poitrine?

La porte s'ouvrit en grinçant. Le chat tricolore fit son entrée.

"Bonjour" le salua Chat-fourneau, tout en faisant une courbette. Mais Chat-tricolore alla s'asseoir sans mot dire. La porte s'ouvrit à nouveau et se referma. Le chat tigré entra.

" Bonjour ! " fit le chat-fourneau avec une nouvelle courbette. Mais Chat tigré ignora absolument sa présence.

" Bonjour ! " fit le chat tricolore.

"Bonjour, quel vent terrible !" dit le chat tigré, et il se mit tout  de suite à feuilleter son registre. 

La porte grinça. Le chat blanc entra. "Bonjour" lui dirent ensemble le chat tigré et le chat tricolore, et ensemble ils firent leur courbette.

" Oui, bonjour, quel vent terrible ! " Le chat blanc, l'air très affairé, se mit à son tour au travail. Le chat-fourneau restait debout, il avait perdu ses dernières forces, il ne dit rien mais salua en faisant une courbette. C'était comme si le chat blanc ne le voyait pas.

La porte grinça. " Oh, on a vraiment un vent épouvantable ! " fit en entrant le chef du bureau, le chat noir.

"Bonjour, Monsieur !" dirent les trois chats en se levant avec empressement pour le saluer d'une courbette.Chat-fourneau, lui aussi, se leva mécaniquement, et les yeux baissés fit une courbette.

" Eh, eh, fit le chat noir, on dirait qu'il y a de la tempête dans l'air." Il se mit tout de suite au travail sans regarder Chat-fourneau.

" Bon, aujourd'hui, il faut terminer ce qu'on a fait hier, la recherche sur les frères Ammoniac. Deuxième greffier, quels sont ceux des frères Ammoniac qui sont allés au pôle Sud?"

La journée de travail avait commencé. Chat-fourneau, tout silencieux, baissait la tête. Il n'avait pas son registre. Il aurait voulu demander pourquoi, mais il n'avait plus de voix non plus.

- Ce sont Pan et Polaris, répondit le chat tigré.

- Parfait. Donne-moi des détails sur Pan et Polaris, fit le chat noir.

"Mais ça, c'est mon travail, mon grand livre, oh, mon grand livre... " pensait Chat-fourneau, et on aurait dit qu'il allait se mettre à pleurer.

  

 Le premier greffier, le chat blanc, se mit à lire dans le registre du Chat-Fourneau:

- Pan et Polaris moururent sur le chemin du retour de leur expédition au pôle Sud; au large de l'île de Yap, leurs restes furent jetés à la mer.

 Chat-fourneau était toujours plus triste, il sentait que ses joues se desséchaient de tristesse. Pourtant, il gardait le silence, tête baissée, résistant vaillamment à son envie de pleurer. Le bureau semblait maintenant tout en effervescence tant les greffiers s'affairaient. Le travail avançait à toute allure. Tous, de temps en temps, le regardaient à la dérobée, mais personne ne lui adressait la moindre parole. On arriva ainsi à midi. Chat-fourneau ne toucha pas à la gamelle qu'il avait apportée, il restait silencieux, gardant ses mains sur les genoux, la tête baissée.

Il se passa encore une heure avant que Chat-fourneau ne commençât à pleurer.

Puis jusqu'au soir il s'écoula encore trois longues heures, tantôt Chat-fourneau  retenait ses larmes, tantôt il se remettait à pleurer. Les autres faisaient toujours mine de ne pas le voir, plongés dans à leur besogne, qui avait l'air tellement passionnante.

Pendant ce temps, mais les chats ne s'en rendaient pas compte, voici que la tête jaune et soucieuse d'un lion fit son apparition à la fenêtre située à l'arrière du bureau, il observa un certain temps ce qui se passait à l'intérieur, l'air soupçonneux, et tout à coup...

Le lion ouvrit la fenêtre d'une tape et entra. Qui pourrait décrire la stupéfaction des chats? Mais lui, tout tranquillement, se contentait de déambuler de ci de là, touloudou, touloudou, dans le bureau. Seul Chat-fourneau, s'arrêtant de pleurer, se leva avec empressement de sa chaise pour l'accueillir.

Le lion dit alors de sa plus grosse voix:

- Eh bien, les chats, qu'êtes-vous donc en train de faire? Depuis quand les chats ont-ils besoin de faire de la géographie ? Ou de l'histoire ? Arrêtez-moi ça immédiatement ! J'ordonne votre dissolution.

Et ce fut la FIN du bureau des chats.

Eh bien, moi, je suis à moitié d'accord avec le lion!

 

 

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  • Confiné dans mon sous-sol depuis mai 2014, j'ai une pensée pour tous les novices du confinement! Mais comme j'ai dit souvent, tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre...
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