pays: Bâle
De chacune de mes phrases je ferai deux, l'une sera la tienne, ma mie, et l'autre? Si tu le veux, la tienne aussi! Ainsi le lourd bûcheron fend par le milieu l'homme et son cheval, navrés, déchirés tout du long, pauvres figures de papier. Sous la peau l'os blanc et l'organe rouge et bleu qui palpite: oui, oh! oui, la vie se montre au point d'où elle s'absente! Ainsi le prêtre assassin divise l'offrande, amère Iphigenie, une part pour son dieu et l'autre, la tienne.
Mais je ne veux plus de cette vie déchirée entre une ville et une autre, ce pays et un autre, ton doux secret et le mien.
Est-il suisse et bancaire, ton doux secret, o ma chérie? O, belle banquière de toutes mes douleurs, ô légataire et réservataire de mon coeur et de mes amours transis!
Que m'importent pourtant les banques et leurs banquières! Ah, atroces héritières! Et comme j'aime le Rhin lorsque je m'absente. Bâle enjambe à jamais son fleuve comme Paris, divisé, le sien, le mien, si loin, Paris où le train me rend.
A Bâle, il y a des cloches, à Bâle il y a des banques et il y a le Rhin, mais point de mer ni d'océans.
Peut-on rater sa vie comme on rate son train ? Est-il des convois que le destin nous envoie? Et pleurerais-je cette vie si j'étais un autre? Et pleurerais-je ma vie si tu étais une autre? Y a-t-il un abonné, y a-t-il un compte, au numéro qui n'est pas sorti de l'urne des sorts? Est-ce un autre en tous points mon semblable qui occupe ma place? Car je n'ai point d'âme comme celle des autres, je n'ai que l'âme d'un autre.
Une pieuvre raide en habits d'Arlequin porte des lunettes et de vieilles chaussettes, une pieuvre sèche cherche la mer et se prend pour moi. Oùveux-tu donc aller sans mains et sans pieds?