les ogres
Bien des ogres, d'atroces sorcières, des Thénardiers aussi, s'étaient pressés autour de mon enfance, ainsi que les fées des contes! J'en avais porté des litres d'eau depuis le puits jusqu'à l'auberge, et ce n'était pas que métaphore! La sorcière se moqua, et m'appela Cosette!
Et c'est contre ce malheur que j'ai passé mon existence à me battre, même quand je semblais tranquille, immobile, car le combat principal avait pour arène mon âme. Sur le tard, les monstres étaient revenus, désormais plus ridicules que redoutables, stupides, l'anathème absurde à la gueule, ils portaient des titres nouveaux, pompeux, Grand Maître du Baton doré, Garde des actes de l'universelle Radinerie, mais c'étaient eux encore. Je les ai reconnus sous leurs oripeaux neufs! Leurs raisonnements étaient menteurs ainsi que ceux des plaideurs de comédie, mais voilà, c'étaient des cannibales, ils me présentaient une dette inconnue, et réclamaient leur livre de chair.
Ionesco semble avoir transposé également les monstres de son enfance dans son théâtre de l'absurde, ses personnages à la fois dérisoires et redoutables.