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écrits du sous-sol 地階から
26 novembre 2019

De la révolte chez Dostoievsky

Dostoievsky et la révolte.

бунт

 

Il me paraît remarquable que les révoltés chez Dostoievsky soient tous des ennemis de la liberté. Ils ont un rapport étrange à l'ordre, et aussi à la morale. Ils sont au fond très moraux, mais c'est une morale fausse. Bref, ce sont réellement des utopistes, et c'est pourquoi ils entendent supprimer d'un même geste le monde existant et la liberté qui semble le nier, et en explique peut-être le désordre.

Il en ira ainsi des futurs bolchéviques...

Plus profondément, cet amour de l'ordre et de la justice cache mal leur violence profonde, leur goût pour le sang, le feu, la fureur, le mal... Ce sont tout simplement des parricides, comme en tout cas Ivan Karamazov, mais qui nient la possibillité même de leur émancipation. Ils ne peuvent être que fils, parricide à la rigueur,  mais non point père à leur tour. Ivan refuse en somme la femme qu'il convoite pourtant, celle de son frère, qui n'a pas tous ces problèmes.

D'où un redoublement intérieur de leur haine, je suppose! Et l'inverse est tout aussi vrai, ou faux: ils ne peuvent tuer leur père parce qu'ils ne peuvent éteindre le feu de leur haine. Cette haine, je veux dire, est leur père en eux. Le père leur est donc consubstantiel, comme leur révolte même il les consume des l'intérieur. Alors, en toute logique, ils le tuent sans se donner l'air de le tuer. Comme s'ils avaient vaincu la haine, comme si la paix les habitait. Mensonge!

Ils se sentent prisonniers de cette haine si bien que pour eux la liberté, qu'ils détestent, n'existe pas. Ils ne cherchent pas à être libres, seulement à être libérés, ils recherchent la paix, pas la liberté. La paix par le parricide. La mort ou la folie, y compris la leur.

Pire, pour ces misérables, ou bien la liberté n'existe pas, ou bien elle est le mal par excellence. C'est en tout cas le mystère central de la Création, Adam, Eve, le serpent, en tout cas du christianisme exacerbé et qui doute, parce qu'il a, ou a eu,  la foi. Ce que le judaïsme ignore bien sûr. 

Ce point de vue athée et révolté est donc de nature religieuse, voire mystique. L'homme libre, c'est l'homme qui désobéit. S'il existe! Car l'existence de l'homme n'a rien d'évident, contrairement à celle de Dieu... En tout cas l'homme de l'humanisme. On sait que le Docteur Moreau s'épuisera à essayer de construire, de créer, des hommes véritables. Ailleurs peut-être, ailleurs en tout cas qu'en Russie!

Le problème avec le christianisme, c'est que le Saint est désobéissant, et même Dieu lui-même en tant que Christ.

Cette révolte est donc encore une révolte contre la révolte, et même contre sa possibilité! Contre le christianisme, ou son noyau... Contre soi, le fils, Jésus, et contre le juif, le père. Dieu le Père et son peuple. Les orthodoxes n'ont pas voulu assimiler totalement, on le sait, le Christ à Dieu...

Le Christ, par opposition à la religion et à son inquisition! Quel mauvais modèle pour l'homme ordinaire qu'un Dieu, et qu'en pourra faire l'homme ordinaire? Rien. Sinon, le crime. En plus ce n'est pas tout à fait un Dieu, ni tout à fait Dieu.

Les homme bons agissent bien, les hommes mauvais agissent mal. Pour amener les Justes à mal agir, on a inventé la religion... ce peut être une religion sans Dieu, qui se contente de son image par exemple. Le grand Inquisiteur, le Soviet suprême, le Fuehrer...  

Bien sûr, Dostoievsky songeait aux libertins français, ou du moins aux philosophes des Lumières et à leur anthropologie toute mécanique.

Tout cela peut paraître philosophiquement absurde, et pourtant quoi de plus vrai, tant sur le plan politique que sur le plan psychologique.

N'est pas Sartre qui veut...

Mais cette révolte entend culminer dans le crime, et la négation du crime.

Il est nécessaire de tuer la vermine, son père, l'usurière, tant au point de vue de l'utilité sociale que des causes, du a+b=c...

Ce n'est donc pas un crime. Les Idéologies, en particulier l'extrême droite prétendument chrétienne, ne penseront pas autrement... Ils croient aimer Dieu parce qu'ils détestent tout le monde, et d'abord les Juifs! Ils croient être très français, parce qu'ils ont une mentalité d'Europe centrale... russe, polonaise ou germanique... Dieu-le-Père, ce juif!

C'est la "preuve", si on veut, que ce déterminisme était le masque du diable, et son triomphe. Le double d'Ivan est moins Smerdiakov que Satan.

 Le criminel voulait d'avance excuser son crime, et même le nier, à sa façon. Ou bien le crime était utile, et donc bon, ou bien il était nécessaire. L'utilitarisme. Ivan passe son temps à se justifier, si bien qu'il n'agit pas, mais laisse faire sa propre machination, dont il est en effet le prisonnier.

Heureusement, si j'ose dire, il y a la culpabilité, et par conséquent la rédemption par le châtiment.

Bref Zeus a su tuer son père, mais le Christ, non! Le Révolté le fait pour lui, c'est parricide, c'est pogrom! Malheureux, le fils est le père, le père surtout est transitivement le fils! Oui, mais pas tout à fait en Russie...

  

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  • Confiné dans mon sous-sol depuis mai 2014, j'ai une pensée pour tous les novices du confinement! Mais comme j'ai dit souvent, tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre...
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