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écrits du sous-sol 地階から
21 juillet 2023

De la nature de l'arithmétique - nouvelle version avec les Shadoks

Les Shadoks: ils ne pouvaient compter leurs oeufs, car à 4 ils pondaient automatiquement un nouvel oeuf, ils recommençaient alors à compter, et cette fois 4 était devenu 6, il fallait recommencer, et à 8 tout se compliquait encore davantage...

A l'inverse du grand Helmholtz, qui parlait de comportement typique des choses, et qui en faisait de quasi-nombres, Wittgenstein a voulu à la fois conserver le caractère a priori des règles de l'arithmétique et en faire des règles d'action dans le monde des hommes: un jeu qui donne sa forme à notre existence humaine dans le monde. Pour autant l'homme n'est pas la source de la réalité, ou alors il faut entendre par réalité le monde humain, seulement humain. D'abord, l'acte, compter, fonctionne, l'on ne peut savoir pourquoi, il n'a pas de fondement. C'est l'acte qui engendre la norme et non la norme l'acte.

L'axiome n'est pas vrai parce qu'il est évident, il nous semble évident parce qu'il fonctionne, et ne peut que fonctionner de toute façon. 

L'argument : si 2+2 me donnent 3, c'est qu'il faut supposer qu'on m'a perdu une unité, si bien que 2+2 font toujours 4. Par exemple, un des chats est mort, ou bien un des pions est devenu autre chose, une tour par exemple.

2+2 (-1)=3 mais 2+2=4

Ne confondons pas, par une erreur de catégorie, le nombre et une réalité. Le nombrer est en somme une règle, ni vraie ni fausse, imperméable à l'expérience, et qui rend possible l'action. Ou encore, plus classiquement, la physique est de l'ordre du contenu, la mathématique n'est que grammaire, condition du sens mais dont il est vain d'interroger le sens, en particulier le rapport à la réalité. Les mathématiques ne seraient donc jamais affectées par l'expérience, qui aurait la politesse d'être toujours compatible avec elles.

Autant dire que l'univers courbe d'Einstein est l'univers d'Euclide, plus la courbure. Qu'il est donc impossible de renouveler la géométrie pour la rapprocher de la réalité physique, courbe. Ou plutôt, c'est possible - mais seulement pour une autre forme de vie que la nôtre. A ce dernier point près, de nature biologisante, c'était ce que croyait d'une certaine manière Poincaré avec son conventionalisme: 

«Enfin notre géométrie euclidienne n’est elle-même qu'une sorte de convention de langage; nous pourrions énoncer les faits mécaniques en les rapportant à un espace non euclidien qui serait un repère moins commode, mais tout aussi légitime que notre espace ordinaire; l’énoncé deviendrait ainsi beaucoup plus compliqué; mais il resterait possible»

En fait, comme l'a remarqué Moritz Schlick, c'est le contraire: l'énoncé physique devient beaucoup plus compliqué dans la grammaire euclidienne, car il s'agit ici non de la simplicité de l'outil technique (géométrique) de la science, mais bien de la simplicité du système entier, holistique, de l'astronomie physique.

Néanmoins, grâce à ce texte de Poincaré, on comprend sans doute mieux le recours wittgensteinien à la notion de jeu, avec ses règles arbitraires mais selon Poincaré du moins praticables pour notre espèce. Le lion ne joue pas à être un lion, il l'est. L'homme joue, malgré tous ses préjugés et a priori. Il peut jouer, n'en déplaise à Wittgenstein, même avec l'a priori arithmétique, 1+1=2

 

Helmholtz a pu expliquer, dans la même veine, que nous choisissons parmi les relations physiques celles qui respectent les lois classiques de l'arithmétique. L'application des axiomes arithmétiques à certaines lois physiques n'est que le résultat de ce que nous ne considérons comme des grandeurs que celles qui obéissent à ce système d'axiomes.

Les objets ne sont dénombrables qu'à la condition de ne pas disparaitre où se mélanger à d'autres objets, de ne pas se diviser en n objets nouveaux. Aucun nouvel objet ne doit non plus être introduit. Dans ces conditions, un signe, un chiffre, pourra correspondre toujours au même objet bien délimité et reconnaissable comme unique. Seule l'expérience nous indique qu'une classe déterminée d'objets respecte ou non ces conditions. Ajoutons à ces considérations qu'on additionne les masses d'une certaine façon, bien connue, mais les forces d'une autre façon, à savoir vectorielle,ce que Helmholtz ne manque pas de remarquer.Et certes Helmholtz ne va pas jusqu'à poser une pluralité des arithmétiques comme il reconnaît la pluralité des géométries.

Il n'empêche, Wittgenstein se trompe profondément, et Poincaré a raison. Ainsi, sans pièces de 1 ou 2 centimes, 1 centime cesse d'être une grandeur mesurable dans les faits, car 1c+1c=0 c. On peut cependant assimiler 3 c et 5 c, si bien que trois fois 1c nous donnera 5, mais pas trois fois 0c. Ou bien je remplace le signe de l'égalité par autre chose, ou bien j'assimile 1 c à °c, non à 0c, disons Epsilon. Remarquons que si 3 c font 5 sans aucun événement physique dans le temps, je ne puis pourtant assimiler dans l'autre sens 5 c à 3 c. Selon Wittgenstein, ou Parménide, il faudrait voir là non une autre arithmétique mais un complément empirique de l'arithmétique, ou même nier ces faits comme des apparences floues comparables au sorite...

 

Il existe pourtant plusieurs géométries non euclidiennes, et aussi plusieurs logiques non classiques, y compris une logique floue.

Qu'en est-il de l'arithmétique ? Quel sens pourrait alors avoir que 1+1 ne soit pas égal à 2?  En d'autres termes voici le jeu auquel je vous invite!

Le tout est de savoir à quel jeu on joue... Les échecs sont sans rapport très direct avec l'action, sinon celle de jouer, et de jouer aux échecs, et encore moins se rapportent-ils à la réalité. Il en va un peu autrement, semble-t-il, du langage humain, des mathématiques, de la physique et de la technique... 

Qu'est-ce que 4?

C'est aussi bien quatre points alignés que les angles d'un carré, ou que quatre planètes éloignées de millions de kms les une des autres. C'est encore quatre possibilités. Toutes ces dispositions relèvent également du même quantum, 4..

On peut cependant, à la manière de Helmholtz, supposer que quatre objets alignés pour nous l'un derrière l'autre (disons plutôt leur reflet dans un miroir, en admettant un monde du miroir) n'en fassent réellement plus qu'un, ou qu'un cube vu en perspective n'ait réellement que trois faces, et non six. Il en va comme d'un triangle qui en se déplaçant à la surface d'un œuf se déforme. Pensons cependant cela plutôt en termes de temps que d'espace.

Pas besoin alors de s'appeler Bergson pour comprendre alors que notre arithmétique se situe dans un monde plat, et réversible, qui cependant n'est pas totalement hermétique au temps, et où 2x2 est la même chose que 1+3, et réciproquement. Je peux grouper les pions d'un jeu d'abord deux par deux, puis les ordonnancer autrement, un peu comme un triangle se meut librement dans le plan euclidien, sans être ni diminué ni déformé. Je puis même les éloigner de 100 kms, volontairement ou non, il restera par exemple huit pions. Ils se conservent, et la conservation constitue, avec il est vrai l'entropie croissante (qui va de pair avec un besoin accru d'informations pour passer de aaabbb à abbaab), un des principes fondamentaux de la physique.

Nous aurions plus de mal à comprendre huit comme un seul et même quantum si nous ne pouvions par exemple que dissocier davantage les pions, et jamais - ou presque jamais - les regrouper à nouveau. Le quantum serait alors orienté vers le passé ! Ce serait bien pire si ces pions se désagrégeaient, ou bien se démultipliaient sans aucune dépense d'énergie, tout en s'éloignant. Nous pouvons supposer néanmoins que le quantum garderait son sens, ou une partie de sa signification, à condition soit de préciser qu'il ne vaut que pour un instant t, soit qu'il correspond à la quantité de matière de ces huit pions, si cette quantité demeurait constante malgré tout.

Ainsi posséder huit euros, en raison de l'inflation, c'est déjà n'en posséder que sept et tant de centimes. L'on est alors contraint de distinguer l'euro courant et l'euro constant, si bien que la franchise que Pythagore accordait aux nombres, leur justice, disparaît. 8 euros dans l'absolu, cela n'existe pas, ou bien à un instant donné, disons pendant une semaine ou un mois. Certes les pièces demeurent, 8 pièces de 1 euro, mais leur teneur diminue. Alors quelle unité est abstraite, et laquelle des deux est réelle ?On dira que c'est la faute à l'euro, et non au quantum 8. C'est dire que la règle est en effet distincte du contenu, "transcendantale" dirait Helmholtz, mais parce qu'elle est une règle, non parce que la pièce d'un euro est réelle et sa valeur irréelle. Or l'euro constant constitue à son tour une règle de calcul, certes plus complexe.

On peut changer la règle pour se rapprocher de ce monde, ou de ce domaine, par exemple pour simplifier les calculs (décider d'une règle d'arrondi, parce qu'il y a des centimes, mais pas des millimes). 

  Le nombre huit ne serait plus alors qu'un point d'appui pour comprendre la réalité de ce jeu, il n'aurait pas de rapport aussi direct qu'il semble en avoir pour nous avec la réalité, par exemple huit pommes. Nous disons par exemple quatre paires de chaussures, et jamais, ou seulement dans des situations que Wittgenstein saurait imaginer, huit chaussures! Sauf, par exemple, si je m'en sers comme de boîtes à cigares!! Ou si elles sont mélangées, dépareillées, etc... Les langues asiatiques rechignent à dire 8, elles disent 8 trucs, par exemple 8 fruits de pommes.

Bref, l'arithmétique donne une version particulièrement abstraite, formelle, du quantum, ce qui n'est pas toujours le cas pour les langues ou l'expérience.

Pour mettre en lumière la dimension bergsonienne de ces analyses, disons en forçant le trait, que l'arithmétique, c'est le monde moins l'entropie, comme la géométrie euclidienne, c'est l'univers moins la courbure de l'espace.

Et certes il est possible, avec des classes et des fonctions aléatoires, de singer mathématiquement l'entropie, de modéliser l'un des processus, voire tous les processus, qui conduiront d'une structure ordonnée à un chaos. Mais il faut concéder à Wittgenstein que l'arithmétique classique restera vraie, si par exemple on compte le nombre de configurations possibles pour un ensemble de caractères, bref le nombre de mots que je peux écrire avec les lettres du mot "Wittgenstein".

C'est donc que notre intelligence se meut dans un ordre extérieur à l'entropie, celui des signes et des symboles, non celui des choses, plongées dans l'entropie. Hélas, notre intelligence n'échappe pas pour autant à l'entropie, et nous deviendrons séniles, sauf si nous le sommes déjà.

De même, nous visualisons une portion de l'espace courbe, à trois dimensions, via le plan euclidien, qui n'est pas du monde, mais symbolique. Ainsi tout rectangle se décompose en deux triangles rectangles semblables. Sauf qu'un rectangle trop grand se confondrait avec la surface de notre planète, et ne serait plus du tout un rectangle!

Et pourtant notre forme de vie, symbolique donc, est de la nature! Seulement nous ne pouvons que difficilement traiter du rapport de nos calculs et de nos symboles au réel, l'impossible kantien. Ce n'est pourtant pas impossible, sinon il n'y aurait jamais de révolution scientifique. En tout cas, on a bien compris que le temps et l'espace de Newton étaient à peu près incapables, n'en déplaise à Poincaré, ou du moins très difficilement, de rendre compte des propriétés de la lumière.

Je conclus: l'arithmétique se meut donc dans un temps neutre, plat, réversible, comparable à l'espace euclidien, dépourvu de courbure. En ce sens l'un et l'autre constituent un bon maillage à priori de l'expérience, quitte à assimiler les lois physiques et autres, qui reflètent le réel, à des déformations de ces univers a priori et plats. Mais ce maillage a des limites, plus évidentes cependant dans le cas de la géométrie que dans celui de l'arithmétique, qui nécessite l'imagination d'un Wittgenstein pour qu'on les saisisse. Et si le maillage a des limites, c'est donc qu'il n'est pas totalement à priori, qu'il renferme une fois de plus une position ontologique, même très neutre, ou très neutralisée. Certes, zéro ne suppose pas que l'on croit en l'existence du néant (!). Mais enfin, zéro va de pair avec la notion d'annulation, 1-1=0, deux forces opposées s'annulent, et donc le signe - a une signification, mieux une teneur, ontologique, certes très formelle.

On ne peut donc pas parler en toute rigueur d'erreur de catégorie quand on mêle métaphysique et grammaire. Et certes, la carte n'est pas le territoire, cependant comment pourrait-elle faciliter l'action sans une influence des propriétés du référent, ou du monde considéré, sur le langage et la grammaire censés les créer en bonne logique cassirerienne? Certes le poisson ne crée pas l'eau de son aquarium avec ses nageoires! Et les nageoires ne sont pas davantage créées par le milieu, nous explique Popper! Elles y sont adaptées, voir l'oeuvre de Darwin.

 

  Remarque:

On voit mieux le caractère symbolique et "cadastral" des nombres quand on s'attaque aux nombres plus élaborés que les nombres naturels: un epsilon ne correspond sans doute à rien dans la nature, d'où l'antinomie kantienne: ou bien le monde est divisible à l'infini, et dans ce cas comment la juxtaposition de ces points zero-dimensionnels ferait-elle une dimension, ou bien il ne l'est pas, mais dans ce cas l'atome est dans l'espace, il a des dimensions, au moins une, et il est donc divisible. Bien sûr, il ne faut pas confondre le maillage de la carte avec le territoire réel! C'est le sens de la solution wittgensteinienne.

Quant aux nombres transfinis, ils seraient plus grands que toute quantité donnée dans le monde physique; certes on peut s'amuser à compter aussi les arrangements de ces éléments physiques, sauf que ces éléments eux-mêmes sont sans doute de nombre fini. Bien sûr, on me dira qu'on peut engendrer tous les nombres naturels avec deux chiffres seulement, et que cet argument, ou contre-argument, ne vaut donc pas. Seulement une suite infinie par exemple de digits n'existe pas à proprement parler, pas même dans l'écriture. Reste à savoir si le temps (du moins le temps à venir) n'est pas cet infini... Mais le temps n'est pas, pas donné en tout cas dans son tout intotalisable.

Il y a aussi la question de l'existence physique, ou non, de nombres qui expriment des rapports, comme le nombre Pi par exemple, ou la racine de 2. On peut penser comme Pythagore que ces nombres n'ont qu'un rapport second, ou tiers, à la réalité physique, via des raisonnements à la limite, la supposition gratuite de cercles ou de carrés parfaits, etc... C'est admettre que le nombre 1, par exemple, contrairement à 0, a un rapport plus direct au réel, par exemple une pomme, un électron... Deux est inséparable de l'action possible de rassembler deux pommes, deux unités, selon des arrangements divers. Deux gouttes d'eau n'en font bientôt qu'une, mais cette goutte contient deux fois plus d'eau tout de même. Bref, on interprète la règle de grammaire (la règle arithmétique) dans son contexte physique particulier! On ne fait pas que l'appliquer. Par exemple, on ne coupera pas en deux une personne s'il faut en répartir 15 dans deux autobus.

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  • Confiné dans mon sous-sol depuis mai 2014, j'ai une pensée pour tous les novices du confinement! Mais comme j'ai dit souvent, tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre...
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