Guai a te, lettore critico

Il est des gens qui dès qu'ils écrivent se sentent infaillibles, ou plutôt croient que l'écrit est la magie qui les rendra infaillibles, tous puissants. Le cas le plus connu est celui de ces prophètes qui d'emblée vouent à l'enfer ceux qui feraient preuve, les mécréants, d'esprit critique en lisant leurs élucubrations. Et ça marche, c'est le plus triste!

Mais combien d'auteurs maudissent-ils, en le traitant d'avance de minable, le critique qui voudrait voir une insuffisance, par exemple une disgression, une maladresse, dans tel ou tel passage? Ou bien c'est pour cacher une faute plus grave, le plagiat par exemple, qu'ils parlent de disgression, puis trouvant cette idée encore vexante, ils nient la dénégation elle-même!

Il y a bien sûr des façons de faire plus élaborées, en un mot plus rhétoriques. Ainsi on peut s'exprimer sur le mode de la génialité, user les mots du génie, et ainsi intimider le lecteur qui ne demandait, de toute façon, qu'à être épaté! A l'inverse, on peut feindre l'objectivité la plus absolue, n'user jamais que de la troisième personne et du "on", comme la rumeur qui a cela au moins en commun avec la science et les mathématiques.

Je remarque que de tels procédés manifestent une forme de lucidité: l'auteur sait par exemple que le seul qui le lira, c'est le malheureux critique surchargé de devoirs de vacances et de bouquins ineptes. Oh! Une mauvaise critique, ça fera tant de peine à Papa et Maman, si fiers que leur rejeton écrive des livres!