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écrits du sous-sol 地階から
12 avril 2016

de l'école

La raison d’être de l’école n’est pas d’endoctriner, ni d’encourager à croire ce que l’on croit. Encourager les enfants à penser et à comprendre.

Condorcet : mais l’enfant ne saurait vraiment penser sans instruction, sans maîtriser certains savoirs élémentaires. S’appuyer sur des connaissances et des méthodes solides. Sinon on imagine, on se trompe.

Bien sûr, penser ce n’est pas seulement appliquer un mode d’emploi. Mais le sujet, le Je, l’Ego se conquiert sur l’erreur, contre les idées toutes faites, les stéréotypes. « Je » dois percevoir par ma propre intelligence, compréhension ce qui fait que quelque chose, par exemple une idée, est vrai, ou faux. Même dans le cas du jugement moral. Sinon, sentiment pur, pathos.

Or Condorcet croit constater que tout pouvoir est ennemi de ces Lumières, même en République. On parle pourtant de monarchie éclairée. Mais la tentation est grande de faire de l’éducation un instrument de maîtrise des consciences, des croyances. Or il s’agit de les émanciper. Kant notait de son côté qu’il existe une connivence entre les pouvoirs et la paresse intellectuelle. On s’en remet à ceux qui savent…

Condorcet : Or ce sont peut-être des Charlatans ! L’enfant doit donc prendre très tôt le pli d’examiner par lui-même, de s’y mettre lui-même. Ne pas encourager la paresse d’esprit par conséquent.

Kant : « Ose penser par toi-même »  Remettre en cause les croyances qui bloquent ma pensée. Mais ce sont mes croyances, pourtant !

Penser c’est un travail, penser c’est si difficile. Il est tellement plus facile de m’en remettre aux apparences et autres idées reçues. A ses propres opinions.

 

Point de vue pédagogique : penser s’apprend. Il faut prendre le pli de penser. Réfléchir à ce que je crois, à ce qu’on me dit ; à ce que je me dis. C’est l’esprit critique.

L’école aurait donc deux fonctions complémentaires : instruire et développer l’esprit critique.

Ni confondre les deux ni les opposer. On ne pense pas d’autant mieux qu’on ne sait rien, et il ne suffit pas d’être instruit pour réfléchir par soi-même, ni même d’appliquer les méthodes.

C’est une question de liberté. Mais c’est aussi une question d’habitude. Déjà l’habitude de bloquer les préjugés, l’habitude de les inhiber. Je crois que, mais je sais bien que je ne dois pas m’appuyer là-dessus pour réussir mon exercice. J’en prends alors l’habitude, à l’école. C’est ça un exercice ! La poésie, les maths, l’expérimentation.

1 L’habitude de comprendre avant d’admettre ou de rejeter. Je dois prêter attention et pas seulement quand cela m’intéresse ou me plaît.

2 L’habitude de m’y mettre, d’examiner, de réfléchir, de travailler - inhiber toutes les raisons qui me conduisent à ne pas m’y mettre.

3 faire en moi la différence entre ce qui est « raisonner » et ce qui est « croire sans raisons ». Ai-je été assez rigoureux ? Ce que je souhaite, désire, est-il vrai pour autant ? Et aussi quelque chose de possible n’est pas réel pour autant. Je dois voir de plus près.

4 Par conséquent, imaginer ce n’est pas constater, ni prouver par raisonnement. Et encore un simple argument n’est pas une preuve, on peut sans doute trouver un argument opposé, au moins le chercher : se faire des objections et y répondre.

C’est là une méthode plus que des contenus. Y compris une méthode de travail, l’habitude de s’y mettre, même à 8 heures du matin ou à 9h.

Il ne s’agit pas de soumettre l’élève ni de l’inviter à être lui-même. Développer son attention, le soin, la responsabilité (on dit bien « devoir » de français).

Attention s’oppose à dispersion mais aussi à fascination. A indifférence enfin. Indifférence, donc paresse. Paresse, donc indifférence.

D’après Olivier Reboul (Les valeurs de l’éducation) : le paresseux n’a pas ce qu’il veut, il veut jouer de la guitare, pas apprendre à en jouer, ni faire des maths. Mais ce qu’il a, il n’en veut pas, l’école par exemple. En fait, il ne sait pas ce qu’il veut car il ne sait pas vouloir. On doit donc l’entraîner. Double sens de ce mot.

On doit lui montrer qu’il peut faire quelque chose, qu’il peut comprendre quelque chose, dès lors qu’il s’y met / moins il s’y met, plus c’est difficile, ou impossible (de penser, de réfléchir).

Alain : la paresse comme manque de confiance en soi. On croit qu’on ne pourra pas, ou qu’on ne pourra pas en retirer du plaisir, de l’intérêt. Accepter de faire une petite partie du chemin…

Une certaine pédagogie utopique a du mal avec cette dimension de l’émancipation, le travail, l’habitude, l’exercice, forcément abstrait. Elle condamne tout investissement intellectuel à long terme, toute discipline intellectuelle. L’enfant a pourtant besoin d’ordre, de règles claires, de structures. Structures intellectuelles qui ne sont pas des préjugés.

Mais il ne s’agit pas de faire croire à l’enfant qu’il tire tout de lui-même. La langue, la culture, l’histoire existent avant lui. Se situer dans… le monde (Arendt). Insérer sa liberté, sa pensée, dans un monde réel, une culture. Sinon on le plongerait dans une réalité incompréhensible pour lui, faute d’en avoir les clefs. L’école de l’amnésie n’est pas l’école moderne. Perception cultivée de la complexité du monde, loin des manichéismes et des dogmes.

Apprentissage d’une certaine solitude, par exemple devant sa feuille de papier. Cela aussi, c’est apprendre à penser.

Contraste avec la famille, où les apprentissages se font beaucoup plus par imprégnation, dans l’implicite. De par son fonctionnement l’école habitue l’enfant à certaines abstractions, mais cela ne suffit pas. Egalité des élèves devant la loi, réalité du droit, du devoir. Mais il faut encore expliquer, expliciter. Mérite, démérite, justice. Valeur de la vérité.

Vivre avec des gens qui ne sont pas de sa famille, discuter avec eux : les autres élèves, les professeurs, les auteurs. Des gens différents, trouver une langue commune.

En ce sens il y a bien une éducation politique à l’école, implicite et explicite. Mais jamais d’endoctrinement. Encourager à la lucidité, qui est donc courage, courageuse. Plus courageuse que le mensonge qui plaît et rassure. « Faut-il dire toujours la vérité ? »

Acquérir des savoirs, de la culture, ce n’est pas enfermement comme on le croit, c’est ouverture. Sinon, les individus auront bien du mal à donner par eux-mêmes du sens à leur vie, ils se sentiront vides, ennuyés : tentation du fanatisme.

Voilà donc une pise pour édifier cette morale laïque dont parlent tant les nouveaux programmes, et aussi les anciens, ceux de Jules Ferry.

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  • Confiné dans mon sous-sol depuis mai 2014, j'ai une pensée pour tous les novices du confinement! Mais comme j'ai dit souvent, tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre...
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