philosophie et poésie
La parole, c'est à dire ce qui instaure, ce qui se détache sur fond du monde et du langage, de la langue. La philosophie se veut idée de l'idée, réflexion, mais elle ne fait pas pour autant que suivre les linéaments des discours ; en même temps elle s'interroge sur le rapport de ces discours entre eux, et sur le rapport du discours au tout, à la réalité. Surgit alors la parole: tout a une cause, d'accord, mais quelle est la cause de tout?
Le mathématicien fait des détours, il ruse, il trouve le chemin fini vers l'infini. Le philosophe se laisse submerger, il ne comprend pas l'infini, c'est un mystère, il ne comprend pas comment il a l'idée, même vague, de cet infini. Il réfléchit, pris au piège comme une mouche dans une bouteille, peut-être fermée, peut-être ouverte, car pendant ce temps le mathématicien trace des plans, des routes. Le philosophe propose alors une vue d'ensemble, forcément faussée. Mais il s'interroge sur le rapport du plan et de la route, et de la carte et du paysage. Et l'absolu ne se donne toujours pas à lui, il n'en a que l'ombre.
Le poète a la même inspiration totale, la même quête du rapport de tout et de tout, mais il ne part ni de l'expérience ni du discours scientifique, il séjourne dans le signe et le prend pour la réalité, il aspire à un tout confus, fait de subjectif et d'objectif, quelque chose d'océanique en deça de la division que veut enjamber le philosophe, qui tombe, qui tombe, quand le poète s'envole, et tombe aussi parfois, mais dans un rêve!