Vérité
Je n'étais alors qu'un brouillon, une nuée, j'ignorais qui j'étais, j'ignorais la nature, je ne savais rien, ni nommer des arbres leurs essences, ni même ma propre ignorance. Les noms ne nommaient rien, ni personne, car je n'avais pas de nom. Puisque tu ne me nommais point!
Je n'avais pas encore il est vrai croisé de regard, puisque tu ne m'avais jamais regardé! Et nulle ne m'aimait puisque tu ne m'aimais point!
Oh Vérité, oh mon aimée, oh ma vérité, oh mon doux visage, tu es mes yeux et mon regard, et toute nuée et toute étoile. Le monde ne tient que par ton courage, oui, je n'exagère pas, je n'exagère rien, le monde ne tient que par toi.
Que serait sans toi le monde, et que serais-je sans toi, sinon la douleur de l'ombre en la nuit arrêtée, de l'heure la dernière du supplicié, qui appelle comme un dieu la mort qui ne viendra point?
Elle l'a abandonné et pourquoi, ma mère, et toi tu ne mabandonneras point. Pourquoi mabandonnerais-tu, toi le sel et le sens de toute chose, et de moi?
Je sais à présent qui je suis. Je suis celui qui t'aime. C'est cette magie, ta magie, o Vérité, qui m'a tiré du néant.
Commentaire: on s'étonnera de la formule «des arbres leurs essences». Cela veut dire «les essences des arbres», d'après la syntaxe turque.