BULBES et gâteaux de riz! Des mots plein la bouche, comme des baisers, des patates!
BULBES
Proverbe coréen: 남의 떡이 더 커 보인다.
Nameui ddeogi deo kkeo-boinda
"Le gâteau de riz d'un autre semble plus grand!"
BULBES
Mot nourrissant comme tu remplis bien la bouche de l'affamé. Je préférerais pourtant une vraie patate, qui me remplirait aussi le ventre!
En coréen, l'on dit aussi, je crois: keurim eui ttok, c'est-à-dire un gâteau de riz en image.... Hélas, c'est en réalité une image de gâteau de riz, et pas du tout un gâteau, serait-il en image, ou fait de mots. Je parlerais bien de château en Espagne, ou dans les nuées, mais je n'en demande pas tant, ou si peu. Juste une patate! A bulbe ! Un a Kish!
Place à présent au poème:
Mots, doux fruits, doux baisers, venez à ma bouche et l'emplissez de joie sucrée, j'aime votre liqueur, qui désaltère et donne soif tout autant !
Mots heureux, vous pétillez, vous pétulez, comme autant de bulles, d'enfants, de très jeunes chats, et je n'ai rien ni personne, pourtant, à aimer, fors mes deux soeurs, solitude et puis mélancolie, je suis un vieillard, ou peut-être cet étudiant pauvre, nourri de riz et de patates, confiné dans un faubourg de Paris, un soir d'avril.
Et voici les mots que je fredonne, comme un refrain d'une vieille chanson, qui hantait le ghetto: bey mir bistu scheyn, bulbès! Cela signifie, ce vieux chant, comme vous êtes belles, pour moi seul hélas, o, patates!
"Alcools", comme tout mot, tu brûles le palais de ton feu, de tes ailes, et tes voyelles languissent et s'alanguissent comme autant d'Arabies.
"Feu", tu es un vent meurtrier, de sécheresse et de cruauté, tu es semblable au regard orangé, ou bien bleuté, de mon épouse maigre et frisée. Tu te nourris, ainsi qu'un diable, du souffle dernier, fier et apeuré, d'un condamné.
"Fumées" : ta musique n'est guère qu'un silence, un oubli, tu prolonges de ton souffle étouffant l'agonie délicieuse d'une âme mourante, qui songe à des Idées, la Justice, le Bonheur, sans se décider vraiment à crever.
"L'eau", mot humide, qui salive, donne pourtant lui aussi très soif quand c'est du moins l'été, c'est une nèfle, un abricot, que l'on verrait à l'étal du fruitier un jour tout désargenté.
Que d'émoi, dans un simple "ah", l'on prononce très langoureux, le H qui s'allonge, comme une épouse dans un lit. C'est un souffle de plaisir, une frustration délicieuse comme la sèche fumée d'un cigare bon marché, ah, volutes veloutées et brûlantes, vous me desséchiez et l'âme et la gorge.
La feuille du "houx" empoisonné, le sais-tu, a un goût fort amer et mordant, son vert est gras comme celui d'un Alquran. On la mâchonne et à regret la recrache enfin, comme sa chique un marin hâlé et malingre des navires d'autrefois.
Le halo confit des mots est une tache de lumière tombée des cieux sur la toile ténébreuse de mon âme endeuillée, ce sont d'exquis berlingots dont le goût acidulé la couleur chimique et le son adultère, aux yeux du moins de mon aboulie lascive, se mêlent et se confondent.