Complainte du bien-aimé Abélard
Nouvel Abélard, je cherche mon Héloïse, afin de parfaire de l'amour le sceau, la logique rotondité. L'amour est un calcul, un petit caillou, qui répugne aux calculs et toujours suppute, ainsi que la folie. Je n'ai de toi, Heloïse, que la lettre première, la plus silencieuse, comme il sied, de toutes, un simple soupir, le souvenir d'une étreinte à jamais advenue. Elle est pourtant si douce, mon fils, la joie acquise dedans la faute!
Ma tour est abolie, l'on m'a ôté tout mon prix, et mon second coeur, qui voulait et ressentait, ma roide virilité n'est plus, sinon une ombre, un fantôme. Je ne regrette guère car il est quelqu'un qu'à jamais je lui préfère, ma belle et noble Héloïse, si docte et si sainte en choses et tournois d'amour. Héloïse, reine et sève de mon coeur, comment aimes-tu encore le chapon qu'ainsi châtié, qu'ainsi châtré, plus pauvre qu'un petit écolier, je devins, car l'amour est assassin. Elle est pourtant si douce, Héloïse, la joie acquise dedans la faute!
Estropié, émasculé, désormais du moins je te ressemble un peu, l'on me nommera à mon tour belle et sage Héloïse, et tu seras alors, pour l'éternité, l'Abélarde du pauvre Abélard, si savant en choses logiques.