sur la route
J'étais sur la route; elle déroulait son lent ruban; je marchais, marchais, marchais, et je marchais, marchais, marchais. Je ne savais où j'allais, j'avais mal aux jambes, aux pieds. Je voulais regarder le paysage, mais il ne m'intéressait pas, je voulais m'arrêter, mais je n'en avais pas assez envie. alors je continuais à marcher, marcher, marcher, puisque je ne savais faire que ça. J'étais devenu moi-même quelque chose comme la marche en soi, dans je ne sais quelle plaine des Idées. Et depuis cette plaine, voici que je songeais à la vie que je laissais derrière moi, une pauvre ébauche qui ne ressemblait à rien, d'ailleurs ébauche de quoi? J'aurais aimé regretter quelque pays lointain d'où je serais venu, mais je n'en avais pas non plus en magasin. J'étais d'ici, cruellement étranger à ma propre vie. Je voulais découvrir, ou inventer, ou bien deviner, ma propre patrie, mon propre pays, et ses villes, ses champs, ses villages. Seulement voilà, sur la route, il n'y avait personne, que moi, que moi, et une ou deux vaches, un chien errant qui s'attacha à moi dix kilomètres et rebroussa chemin. Et puis beaucoup de voitures, qui klaxonnaient, pour m'avertir ou peut-être se moquer de moi, qui marchais, marchais, marchais... Georges (Marchais), voici ce que je pensais peut-être! Et la marche que je marchais me faisait rêver, et ces rêves, qui n'étaient que d'indécises brumes, je les ai toutes oubliées. Je me disais pourtant parfois, voici quelque chose que tu devrais retenir! Ouiche, autant retenir l'anguille! La seule chose qui me revient, c'est donc la plus absurde, celle-ci, Georges marchait!