Article 1er de la Constitution de la Vème République
"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances."
Que faut-il entendre par la formule "la République respecte toutes les croyances"?
D'abord, c'est la République, cela ne s'impose donc pas aux individus en tant que tels. Il s'agit simplement de reconnaître l'égalité entre toutes les croyances, d'une part, et d'autre part de reconnaître la liberté de croyance. La République n'a pas à s'en prendre à quelque croyance que ce soit, du moins en principe, car il faut encore que cette croyance n'entre pas en contradiction avec l'ordre public, qu'elle ne constitue pas un délit ni un crime, par exemple si je crois qu'il faut sacrifier à Dieu les mécréants!
Evidemment, il y a un contraste avec la loi de 1905, qui elle ne reconnaît aucun culte. Ici il ne s'agit pourtant pas de reconnaître une croyance en particulier, mais le droit et la liberté de croire ce qu'on veut, si bien que malgré les apparences, cela revient au même. Seulement, la formule de 1959 est plus diplomatique que celle de 1905, elle manifeste davantage encore de tact, en tout cas de Fraternité!
Malheureusement, elle emploie le terme de "religion", ce qui pourrait faire croire que désormais la République, indivisible et laïque (mais tout autant démocratique et sociale!) reconnaît la, ou des, religion.s. En réalité, Religion est au singulier, même si c'est corrigé par "distinction", donc un pluriel implicite. Bref, on reconnaît simplement le droit d'avoir une religion, quelle qu'elle soit.
"Pour toute religion crue par citoyen X, pour tout citoyen Y différent de X, X==Y"
C'est encore, plus historiquement que logiquement, que l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, employait l'expression suivante: "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public."
On préférera peut-être l'adjectif, ou encore "croyance religieuse", à Religion, car le substantif exclut en apparence la "croyance non religieuse" ou jugée "irreligieuse". Mais le mieux, c'est de dire "opinion, même religieuse", ou encore si on trouve que "même" est une restriction insupportable, "opinion, y compris religieuse". Bref, il faut éviter de donner l'impression qu'on accorde un privilège à la croyance religieuse, même la croyance religieuse en général. Et d'ailleurs, la République laïque ne définit pas, et surtout ne doit pas définir, ce qui est Religion et ce qui ne l'est pas.
Bien sûr, ne confondons tout de même pas laïcité et Cancel culture! Il ne s'agit pas de faire comme si les Religions n'existaient pas!
On remarquera que la Religion, comme le texte de 1959 le dit assez malencontrueusement, ou plutôt bien sûr les Religions, ne se respectent pas mutuellement, c'est-à-dire qu'il serait absurde de demander à tous les Citoyens de respecter toutes les croyances, si du moins on entendait par là, peut-être pas adhérer à toutes les croyances, mais s'abstenir d'en nier aucune, voire d'en détester aucune.
Les religions monothéistes commencent par le rejet viscéral du paganisme, du culte des Idoles. Le christianisme, puis l'Islam, se veulent des critiques des monothéismes antérieurs, et on trouve dans le Coran des thèmes qui vont plus loin, et qui participent rétrospectivement non de la judéophobie, mais bien de l'antisémitisme caractérisé.
Enfin, le respect des croyances, s'il est davantage que la tolérance, ne se réduit pas à accorder une certaine reconnaissance tout de même aux Religions en tant que telles, si l'on veut à la liberté religieuse en tant que telle. Pourquoi? C'est que du point de vue de la République laïque, l'athéisme, par exemple, est une croyance égale en droit à la croyance positive en Dieu, ou en la vie après la mort. Y a-t-il une vie avant la mort, demandait Coluche, très chrétien malgré les apparences, si on y réfléchit.
Bref, l'athée, du point de vue de la Laïcité, croit que Dieu n'existe pas, et cette croyance est aussi respectable, ni plus ni moins, que la croyance inverse. Ce n'est pas une croyance, dira-t-on, mais le contraire, de l'incroyance! Mais logiquement, "je ne crois pas que Dieu existe" n'est pas équivalent à "je crois que Dieu n'existe pas". Dans le premier cas, on s'abstient de toute assertion, l'on est agnostique.
Il va sans dire que l'agnosticisme est pourtant tout aussi respectable, malgré la lettre, que l'athéisme positif, ou plutô négatif!
Et maintenant, que veut donc dire que la France est une République sociale?