Schizophrène ou paranoïaque ?
En lisant les psychiatres.
Le schizophrène, comme le poète, séjourne dans la dissémination des signes, plus que du sens. Tout est signe, tout fait clin d'œil, mais il ne sait pas à qui, ni vers quoi. Vers lui? Mais il n'a pas vraiment de moi. Il se perd et s'est perdu dans cette forêt de symboles. Symboles de quoi? De rien. De tout, lui semble-t-il pourtant.
Le paranoïaque ne trouve lui aucun repos. Il est quelqu'un, c'est le moindre que l'on puisse dire, mais il se sait, ou se croit, en danger mortel. Il n'interprète pas, comme on le croit, sa folie est tout sauf interprétation. Il ignore les signes, en ce sens qu'il est d'emblée englué dans un sens évident, et qui est sa propre mort. Il est dans le système, tout lui en veut, et si "on" lui en veut, c'est que le monde est secrètement à lui, il en tient tous les titres. Hélas, les juges sont des usurpateurs, des pantins, des démons. Les mots et les idées obéissent à cette évidence première : le monde est sien et tout conspire contre son seigneur, martyr et bourreau bientôt.
Le paranoïaque tient la mélodie, le sens profond des choses, mais refuse de se perdre dans le dédale des signes ambigus et des faits objectifs: ils sont d'un même geste superflus et transparents. Il n'y a pas de hasard, ni pour lui, ni pour le schizophrène. Seulement, le schizophrène fait la riche expérience d'un imaginaire creux, mais qui signifie tout, quand l'expérience du paranoïaque ne peut être que terreur, obsession de sa propre destruction, qu'il fuit et retrouve à chaque pas.