Du dogmatisme en temps de paix

Le Dogmatique: il pose arbitrairement le point de vue le plus arbitraire peut-être, en tout cas un point de vue discutable, comme absolu. Il s'en sert ensuite pour discréditer ceux qui croient en la contingence de l'avenir, en la liberté, ou tout simplement ceux qui tiennent compte de la réalité, ou de la perception de la réalité. Ou tout simplement en la morale. Ce sont des collabos, des traîtres, qui se sont écartés de l'Absolu, de la Cause. Et de rappeler que la morale en politique n'a rien à voir avec la morale ordinaire. Comme si la vie politique n'était pas la vie ordinaire?

Mais comment pourrait-on trahir l'Absolu, puisque tout est en lui? S'ils l'ont mis en danger, il n'était donc pas absolu.

Ils ont prouvé précisément, et c'est leur crime, qu'on pouvait être d'un autre point de vue, que cet autre point de vue demandait à être considéré, qu'il était possible, même si c'est le plus humble des possibles.

Et même si je crois en la Cause, je suis un traître en puissance si j'y crois sur le mode de la croyance profane, si je n'en fais pas, ou pas tout à fait, un absolu.

Ou encore le Dogmatique plaque sur le présent des temps plus redoutables, où il aurait eu raison. Ainsi, en temps de guerre contre un ennemi barbare, criminel, il est de notre devoir de nous montrer manichéens, d'être absolument opposés à cet ennemi, de ne pas tenir compte parfois de ce qui peut sembler raisonnable, par exemple accepter de négocier, essayer de favoriser la paix plutôt qu'une victoire absolue et sans mélange.

D'où le goût de l'amalgame chez le Dogmatique, le capitaliste est un nazi, donc tout opposant, même au nom d'idéologies douteuses, est bon à prendre et en tout cas du bon côté. Ainsi Churchill, et Roosevelt plus encore, se sont alliés en fin de compte à Staline. Certes. Mais Staline s'est tout autant allié à ces Capitalistes.