Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
écrits du sous-sol 地階から
12 février 2022

Livre et vie nouvelle Nouvelle version

Orhan Pamuk: la vie nouvelle

Un livre ardent et menteur qui promet une vie nouvelle. Yeni hayat, en turc...

"Bir gün bir kitap okudum ve bütün hayatım değişti.” Ainsi commence ce roman, et la supposée Vie nouvelle.

Traduction automatique: "Un jour, j'ai lu un livre et toute ma vie en fut modifiée."

On dirait d'abord une idée banale, insincère, pour souligner que le livre, et la culture, sont choses vitales. Néanmoins, en français comme en turc peut-être, la "modification" vous a un côté clinique, factuel, qui nous met la puce à l'oreille.

Ce n'est pas que les livres sont morts comme on le croit, étrangers à la vie, ou plutôt au monde. C'est qu'ils semblent en vie, nous promettent une autre vie, de sortir enfin de la mélancolie. Ils nous promettent l'amour, et donnent aux ombres qui peuplent nos rêves une forme presque définie. Ils nous promettent la vie, le monde, l'autre monde, l'autre vie, comme d'autres promettent la lune.

Malheur à celui qui croit au livre, qui imagine, barbare lettré, qu'ils sont le mode d'emploi de quelque vie meilleure, et vraie, quand la vie que nous connaissons n'est qu'ennui et solitude. Exil.

On cherche alors cette vie dans le monde matériel, au lieu de se mettre au travail et d'écrire le livre, d'écrire sa promesse menteuse, fausse...

La vie nouvelle, c'est tout autant l'écriture que la mort, et c'est la même chose. Ne vivez point, lisez, écrivez. Là est la vraie vie!

Ce monde, dit en somme tout livre trompeur, fut forgé par un méchant démiurge, quelque route nous conduira, et elle commence par le livre, jusqu'à la vie vraie, celle dont parle le livre. Dieu qu'il irradie! Où est donc ce lieu véritable, qui abolit l'exil? Ces boniments nous conduisent à quitter notre travail, notre ville, à prendre d'improbables autobus, au prix d'accidents minables. Au lieu d'écrire. Au lieu de lire.

Pauvre fou, faute de savoir comment lire, faute de savoir que lire un livre, c'est l'écrire, tu finiras errant sur les routes du hasard, qui ne conduisent qu'à une route gelée, dans la montagne, la route mortuaire. Mais quoi, tout un chacun suit cette même route, seulement il l'ignore.

Le livre nous donne de ce savoir dérisoire une image que tu n'as pas su lire. Au moins avais-tu la science, même si tu ne la comprenais point! Il en va comme de l'espérance, il y en a beaucoup, mais nous ignorons seulement qu'elle n'est pas pour nous! 

Il y a des road movies états-uniens, où interviennent des Indiens, des Amérindiens, et qui sur un mode naïf parfois, subtil d'autres fois, conduisent le héros jusqu'à sa mort.

On pensera encore à Proust: le livre est à écrire, le lire, c'est vivre sa vie, sa vie d'écrivain s'entend, amoureux sans amoureuse, amoureux qui construit son amoureuse de papier avec ses émotions d'homme.

Edmond Jabès: "l'écrit est, dans l'écriture, l'avènement qui n'aura pas lieu: aube mort-née."

Ecrire, c'est renoncer à vivre, et c'est vivre pour de bon, c'est-à-dire mourir. Ecrire, c'est déchirer le papier en deux, c'est l'exil, et c'est le recueillement au coeur de l'exil.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Descartes avait vu en songe le livre de la sagesse tout écrit!

Adrien Baillet:

"Un moment après il eut un troisième songe, qui n'eut rien de terrible comme les deux premiers. Dans ce dernier, il trouva un livre sur sa table sans savoir qui l'y avait mis. Il l'ouvrit et, voyant que c'était un dictionnaire, il en fut ravi dans l'espérance qu'il pourrait lui être fort utile. Dans le même instant, il se rencontra un autre livre sous sa main qui ne lui était pas moins nouveau, ne sachant d'où il lui était venu. Il trouva que c'était un recueil des poésies de différents auteurs, intitulé Corpus poetarum etc. Il eut la curiosité d'y vouloir lire quelque chose et à l'ouverture du livre il tomba sur le vers « Quod vitae sectabor iter ? Etc. " 

Traduction automatique: Quel chemin de la vie suivrai-je?

"Au même moment il aperçut un homme qu'il ne connaissait pas, mais qui lui présenta une pièce de vers, commençant par « Est et non » et qui la lui vantait comme une pièce excellente. M. Descartes lui dit qu'il savait ce que c'était et que cette pièce était parmi les idylles d'Ausone qui se trouvaient dans le gros recueil des poètes qui était sur sa table. Il voulut la montrer lui-même à cet homme et il se mit à feuilleter le livre dont il se vantait de connaître parfaitement l'ordre et l'économie. Pendant qu'il cherchait l'endroit, l'homme lui demanda où il avait pris ce livre et M. Descartes lui répondit qu'il ne pouvait lui dire comment il l'avait eu, mais qu'un moment auparavant il en avait manié encore un autre qui venait de disparaître, sans savoir qui le lui avait apporté, ni qui le lui avait repris. Il n'avait pas achevé qu'il revit paraître le livre à l'autre bout de la table. Mais il trouva que ce dictionnaire  n'était plus entier comme il l'avait vu la première fois. Cependant il en vint aux poésies d'Ausone, dans le recueil des poètes qu'il feuilletait et, ne pouvant trouver la pièce qui commence par « Est et non », il dit à cet homme qu'il en connaissait une du même poète encore plus belle que celle-là et qu'elle commençait par « Quod vitae sectabor iter ? ». La personne le pria de la lui montrer et M. Descartes se mettait en devoir de la chercher lorsqu'il tomba sur divers petits portraits gravés en taille douce, ce qui lui fit dire que ce livre était fort beau, mais qu'il n'était pas de la même impression que celui qu'il connaissait. Il en était là, lorsque les livres et l'homme disparurent et s'effacèrent de son imagination, sans néanmoins le réveiller.  

Ce qu'il y a de singulier à remarquer, c'est que doutant si ce qu'il venait de voir était songe ou vision, non seulement il décida en dormant que c'était un songe, mais il en fit encore l'interprétation avant que le sommeil le quittât. Il jugea que le dictionnaire ne voulait dire autre chose que toutes les sciences ramassées ensemble, et que le recueil de poésies intitulé Corpus poetarum marquait en particulier et d'une manière plus distincte la philosophie et la sagesse jointes ensemble. Car il ne croyait pas qu'on dût s'étonner si fort de voir que les poètes, même ceux qui ne font que niaiser, fussent pleins de sentences plus graves, plus sensées et mieux exprimées que celles qui se trouvent dans les écrits des philosophes. Il attribuait cette merveille à la divinité de l'enthousiasme et à la force de l'imagination, qui fait sortir les semences de la sagesse (qui se trouvent dans l'esprit de tous les hommes comme les étincelles de feu dans les cailloux) avec beaucoup plus de facilité et beaucoup plus de brillant même que ne peut faire la raison dans les philosophes. M. Descartes, continuant d'interpréter son songe dans le sommeil, estimait que la pièce de vers sur l'incertitude du genre de vie qu'on doit choisir, et qui commence par « Quod vitae sectabor iter ? », marquait le bon conseil d'une personne sage ou même la théologie morale. Là-dessus, doutant s'il rêvait ou s'il méditait, il se réveilla sans émotion et continua, les yeux ouverts, l'interprétation de son songe sur la même idée. Par les poètes rassemblés dans le recueil il entendait la révélation et l'enthousiasme, dont il ne désespérait pas de se voir favorisé. Par la pièce de vers « Est et non », qui est « Le oui et le non » de Pythagore, il comprenait la vérité et la fausseté dans les connaissances humaines et les sciences profanes. Voyant que l'application de toutes ces choses réussissait si bien à son gré, il fut assez hardi pour se persuader que c'était l'esprit de vérité qui avait voulu lui ouvrir les trésors de toutes les sciences par ce songe. Et comme il ne lui restait plus à expliquer que les petits portraits de  taille-douce qu'il avait trouvés dans le second livre, il n'en chercha plus l'explication après la visite qu'un peintre italien lui rendit dès le lendemain ."

     

Voici les mots que cette aventure de René Descartes m'avait autrefois inspirés (avec un peu de Duras pour pimenter la chose):

- Et le livre m'apparut, en un grec aussi lisible pour moi que le français des rues, on y traitait de la forme des choses, leur forme commune à toutes, un mot qui dirait tout.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
écrits du sous-sol 地階から
  • Confiné dans mon sous-sol depuis mai 2014, j'ai une pensée pour tous les novices du confinement! Mais comme j'ai dit souvent, tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre...
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 69 748
Pages
Newsletter
2 abonnés
Publicité