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écrits du sous-sol 地階から
29 décembre 2018

Gilets jaunes et philosophie politique (I)

Que d'efforts, depuis le 19 ème siècle, et depuis Rousseau, la transmutation du Moi en Nous, pour dépasser l'entendement individuel, supposé mesquin, égoïste, fermé, le fondre dans un élan plus vaste, la Vie, l'Esprit, l'Histoire, la Société, l'Humanité, la Race... ou la Raison. Cela peut prendre une forme en apparence critique, comme chez Kant, et l'on n'a pas assez noté que sa critique de la Raison, et de ses illusions, était tout autant une critique de l'Entendement. 

Ces efforts ont échoué, et surtout l'on n'assiste nullement à un triomphe du calcul égoïste, qui du moins est un calcul, mais de l'individualisme sous sa forme la plus naturaliste. Je suis mes gènes, en somme. Le pire qui pouvait nous arriver notait le danois Grundtvig, qui croyait voir dans la Révolution française, et dans les Lumières françaises, l'anarchie, la révolte contre le Peuple (en un sens völklisch, celui de l'ethnos).

La Raison, et même l'entendement, au sens du discernement,  n'est pourtant nullement réductible à un utilitarisme plat, et égoïste. D'ailleurs les utilitaristes eux-mêmes parlaient d'une utilité sociale, et en somme d'un intérêt général à peine déguisé. Bref, il y a une raison qui est solidaire...

La Raison, c'est le désir de comprendre, l'effort tant pour ramener le monde à nos catégories que pour modifier ces catégories afin de saisir le monde, et notre place dans ce monde.

Pascal a tout dit: par le corps l'univers me comprend, par l'esprit, je comprends l'univers. En tout cas j'essaie.

Cette compréhension du monde n'a pas à être opposée à l'action, serait-elle collective. C'est là le principe même, en tout cas, de la démocratie, et même de toute politique. La politique: la société agissante et comprenant, et bien sûr parfois se méprenant. La politique: la société devenue sujet, et en même temps jeu, polémique, combat policé. C'est sa chance, et son malheur. Les deux à la fois! D'où la volonté pour toute faction de se poser comme ce sujet lui-même, d'exclure du peuple ses adversaires. Le représentant est donc forcément un traitre, puisqu'il fait de ce prétendu peuple une faction comme une autre! La masse ne dit rien, elle détruit, pour cette raison elle ignore la différence d'opinion.

C'est que le Peuple n'existe pas, car je ne peux additionner, dit-on, 2 et 2 que dans mon propre esprit, je ne puis additionner 2 dans mon esprit et 2 dans l'esprit de l'autre.

A vrai dire, c'est tendre les verges pour se faire battre, ou bien alors souligner que la société, dans une République, n'est pas la fusion, ni le mythe d'une origine fusionnelle, mais le dialogue entre sujets distincts mais susceptibles de s'entendre. Je puis comprendre le raisonnement d'autrui que je ne saurais produire de mon propre chef, et il y a bien complément de ma propre pensée. On ne le voit que trop avec l'usage des robots et des logiciels, la lecture en était une première mouture à sa façon. Il y a bien une compréhension collective des choses, certes au risque du préjugé et de sa fulgurante propagation, qui n'a rien à envier à la communication ou à la propagande!

On peut tout de même - sans tomber dans tous ces mythes plus ou moins romantiques et leur douteuse érotique - rappeler que nous ne nous sommes pas fait nous-mêmes, que nous avons eu besoin des autres, en tout cas de la langue - des langues - et de l'histoire, et bien sûr, sauf exception, d'une Ecole. D'une évolution, au sens darwinien du terme.

L'hydre du peuple que depuis Hobbes le pouvoir libéral s'efforce d'exorciser, sans jamais y arriver tout à fait. L'évidence toujours recommencée qu'il y a le peuple, et les autres, les rois, les nobles, les prêtres, etc...

L'on comprend mieux alors l'idéal républicain: celui d'un peuple non pas asservi par une religion ou une idéologie consolante, mais un peuple éclairé. Il n'en reste pas moins un peuple, mieux, le peuple. Du moins dans cet idéal, certains diraient ce rêve! Ce peuple éclairé est forcément en débat avec lui-même, et par conséquent il n'est pas tout à fait le Peuple, tout à fait l'hydre, okhlos.

Le socialisme, en somme, malgré ses errrements utopiques ou encore totalitaires, n'a fait d'abord que s'engouffrer dans cette brèche.

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Commentaires
R
« Les gilets jaunes au prisme de l'histoire de la philosophie politique ».<br /> <br /> J’imagine volontiers le dépit de l’auteur du propos, plus familier de Kant (néanmoins évoqué), Spinoza ou Descartes que de l’attirail de l’automobiliste contraint de s’arrêter sur le bas-côté de la route.<br /> <br /> Il était probablement des révoltes et peut-être même des révolutions bien avant Rousseau qui est emblématique de cette logique des lumières que tout bon démocrate vénère selon probablement la schématique scolaire en vigueur depuis la IIIe République, la nouvelle Héloïse trônant entre les œuvres de Michelet et le Malet et Isaac.<br /> <br /> Le partisan du gouvernement tempéré et de la souveraineté populaire, indépendamment de la figure tutélaire d’un Montesquieu sont les deux facettes d’une même médaille d’une forme de tempérance, pour le second institutionnel.<br /> <br /> « Je hais dans Rousseau le mal qu'il a fait à la France et au genre humain, le désordre qu'il a apporté en tout et, spécialement, dans l'esprit, le goût, les idées, les mœurs et la politique de mon pays. Il est facile de concevoir qu'il ait dû apporter le même désordre sur le plan religieux » disait Charles Maurras.<br /> <br /> La révolution française qui s’est inspirée de Rousseau a substitué à l’ordre ancien un ordre qui se distingue par son immense hypocrisie et cet affreux triptyque que l’on retrouve notamment sur le fronton des mairies et de toute administration, concentration de ronds-de-cuir dont les privilèges sont de plus en plus intolérables au fur et à mesure qu’on monte dans la hiérarchie.<br /> <br /> Les privilèges de la noblesse et du clergé ont été remplacés par ceux de la bourgeoisie avide, tantôt radical-socialiste et colonisatrice (banquet républicain et bordels de luxe de Paris…), tantôt rallié à la république au nom de l’amendement Wallon et de la probable perspective de se justifier au travers de la doctrine sociale de l’église avec pour apothéose Vatican II.<br /> <br /> Tout cela peut paraître décousu. En réalité, c’est cousu de fil blanc ou plutôt rouge.<br /> <br /> De l’exploitation des classes laborieuses par cette belle bourgeoisie plurielle, avec ses académiciens, ses capitaines d’industrie, ses agioteurs mais aussi son implacable formatage au travers de la police de la pensée.<br /> <br /> Quelques petits bourgeois parisiens, tombés en pâmoison devant Karl Marx, Che Guevara, Trotski ou Mao Tsé toung, ce sont défoulés en un triste mois de mai en prenant soin de garer la MG que papa avait offert pour leurs 18 ans dans un endroit suffisamment sécurisé pour éviter de malencontreux jets de pavés.<br /> <br /> Ce sont ces Marquis jouisseurs et grotesques qui depuis au moins 50 ans nous assomment avec leurs petits couplets à la Cohn-Bendit, avec force références aux Deleuze, Bourdieu, Sartre, Roland Barthes et tout le toutim.<br /> <br /> Pour notre malheur, ces anciens combattants gauchistes sont toujours présents après s’être convertis aux thèses de Reagan et Thatcher.<br /> <br /> Nous sommes donc intellectuellement et moralement martyrisés par l’ignoble Bernard Henri Lévy dont les prouesses oratoires devant le Crif le 18 novembre dernier pour décrier le populisme des gilets jaunes provoque décidément une montée d’adrénaline chez les âmes bien nées.<br /> <br /> Il s’agit donc en réalité d’un conflit de classes. En ces temps douloureux, il eut été bienséant à Robespierre de ressusciter sous les auspices de l’être suprême mais en refoulant de son esprit ceux dont il pouvait s’inspirer pour ne garder que le caractère expéditif de la méthode.<br /> <br /> Entre deux oppositions radicales, il n’y a pas de place pour la demi-mesure. « Choisis ton camp camarade »(paradoxe). Le peuple authentique contre les oligarchies ; il n’y a pas d’autre logique.<br /> <br /> La modernité a quelque chose d’abominable. Elle a enfanté du monstre de la mondialisation et ce sont les vaincus qui sortent de leur tombeau pour mieux égorger ses bourreaux.<br /> <br /> Advienne que pourra. Détruire est une vertu. Reconstruire est une vanité. Seul le chaos sied à l’homme.<br /> <br /> La prétendue alternative socialiste ne peut assouvir la rage. Ses oripeaux sont en train de se décomposer comme les verts rongent les cadavres de ceux qui ont voulu s’ériger en roi par substitution avec la sainte bénédiction du suffrage universel, cet immense malentendu infiniment prétentieux et totalement vain.
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écrits du sous-sol 地階から
  • Confiné dans mon sous-sol depuis mai 2014, j'ai une pensée pour tous les novices du confinement! Mais comme j'ai dit souvent, tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre...
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