mélancolie de l'assassin
Il pleut dans le parc d'autrefois, mes pas s'impriment dans la boue. Qu'est-ce que cela prouve, Madame le Juge, qu'est-ce que cela prouve, ô tous les avocats!
Automne, courroucé je crois contre la ville entière, s'acharne, redouble et efface toute trace, il n'en restera guère, il n'en restera rien, et ce sera l'hiver. Par tous les aïeux, par tous mes aveux! Je suis bien songeur, ces arbres et ces maisons me sont familiers, il me semble qu'ils ont les traits des amours d'autrefois, des amours trahis toujours recommencés! Eh toi, une rose à la main! Pourquoi ne pas avoir osé? Pourquoi avoir fui quand j'ai tendu la main? Je me serais contenté d'un doux baiser! Eh, tu n'aurais pas eu si froid. O le froid! O la mort! De quelle urne, ardents remords, tirez-vous tous ces humains sanglots? O maisons, ô prisons!
Et je vois au loin une ombre passer, je ne sais si c'est toi, je ne sais si c'est moi, qui s'attarde ainsi sous la pluie, qui tombe, qui tombe, comme passe le temps: comme il trébuche, comme il trépasse! O la hache! Et le couteau!
Je voudrais saisir une fois encore cette main, mais je sais que je t'indiffère presque autant que je t'indifférais alors, tu m'écoutais sans songer à rien!
Et il y a derrière ce paysage ébouriffé et blond comme une image qui mêle à mes pleurs son gracieux sourire, à peine s'il se moque, je crois bien que je suis seul dans ce parc, à déambuler sous la pluie comme une ombre, tandis que mes traces s'impriment dans la boue. Ah qu'elles soient lavées ! Et mon coeur, et mes mains!
Explication: Je me souviens, nous étions assis sur le même banc, je t'avais adressé la parole, je ne te connaissais point, et ne connaissais pas non plus, tu le sais, les essences des arbres, qui était platane, qui était orme, qui était hêtre? Je l'ignorais. Tu m'avais expliqué que tu étais enquêtrice, détective privée, tu étais tout de bleu sombre vêtue ainsi que les mères juives quand j'étais enfant et que la guerre était finie. De la détective à l'assassin, il n'y a qu'un pas, qui laisse une trace, que la pluie vient laver, et tout est délavé! Et mon coeur, et ton coeur aussi.