Quelques notations sur Aliochka Karamazov
Aliochka, tient à préciser presque d'emblée Dostoievski, n'était ni un fanatique ni un mystique. Tout au plus un philantrope! Mais le terme est mal traduit, disons qu'il aimait l'humanité en tous et en chacun.
Enfant, pourtant, il aurait pu passer pour un saint, ou bien un sage. Il était parfaitement insensible aux offenses, si bien qu'il n'avait pas besoin de les oublier, ni de les pardonner. Il n'y avait qu'une chose qu'il ne supportait pas: ces propos pornographiques des enfants qui feraient rougir même des soldats, si du moins ils pouvaient les comprendre!
Il était cependant comme préoccupé par un souci tout intérieur, et cela aurait pu le faire passer pour un sauvage, lui par ailleurs tellement soucieux des autres, tellement aimant.
Cette préoccupation nous la connaissons, c'est sa mère, ou plutôt le souvenir de sa mère morte quand il n'avait que quatre ans, et qui survit en lui, inaltérable. C'est comme une lueur dans un tableau par ailleurs totalement effacé. Un tableau, ou bien une icône, cette icône de la Vierge, de la mère de Dieu vers laquelle sa mère, comme folle, le tendait, si bien que la nourrice effrayée dut l'arracher de ses bras?
Et donc Aliochka n'était pas un mystique, simplement il ne trouva que dans le Monastère la promesse de retrouver cet amour tapi dans son âme pure, d'échapper à ce monde mauvais et obscur. Et s'il trouva cette route, vers sa mère en somme, c'est qu'il rencontra un Starets, un être extraordinaire.
Il est clair qu'Aliochka appartient à un autre monde que le nôtre, mais ce n'est pas nous dit Dostoievski le monde de la sainteté mystique, c'est le monde féminin et maternel où sa mère morte et la mère de Dieu se confondent à jamais. Même Fiodor, malgré son âme si vile et en somme détruite, saura reconnaître en son fils, sinon l'épouse qu'il a tellement avilie, du moins ce feu tranquille et amoureux.
Aliochka sauve pour ainsi dire cette famille misérable, et relève tout homme, et surtout toute femme. Sa sainteté, qui n'en est pas une, est cependant odieusement impuissante, sinon sur un autre plan que le plan des faits. Il est vrai que le roman est inachevé.