colère et nombres: Nouvelle version encore plus explicite
Colère et nombres : tu étais bien belle, ma colère, endormie dans l'herbe, tandis que je caressais des yeux, sous des cieux si bleus, la tignasse de tes nuages ; de tout temps mon coeur amoureux fut l'abri des nombres!
Tu étais bien belle, mon absente, ma colère, ainsi alanguie, endormie, dans l'herbe
Sous des cieux si bleus.
C'était encore l'été,
Et je caressais la tignasse de tes nuages
Je caressais des yeux la tignasse de tes cieux!
Leur joie, si fausse et si menteuse,
Ainsi que la lueur jaune de tes yeux!
Ma belle endormie, que dit donc ton foie?
Ah, nuages! oh, nuées!
Comme ils étaient mal peignés, tous ces gueux éthérés!
Quel doux et confus paysage, de montagnes échevelées et de tes seins ébouriffés.
Colère, ma colère!
Désordre est-il décidément ton nom, ô abîme d'en haut
Comme il en est un en bas.
Je tendais pourtant la main vers la main des cieux. Vers ta main, ma colère endormie!
Que mon coeur menteur était audacieux! Tout mon sang et ma semence poussaient ce bras, mon bras, en avant!
Semences de quelles moissons? De vérité ou bien de mensonges?
Ah, mon songe! Ah, un trou dans l'étoffe de l'universel mensonge!
Poésie, dis-tu, poésie dit-elle.
Née dans un village franc, aux murs crénelés,
Loin, si loin de la promesse torve,
Tu disais chaque chose comme elle était:
Tu tanguais, ô ange des cieux, sur tes talons trop hauts, ainsi qu'un matelot,
Ah, pauvre vérité du pays des nuées !
Pauvre mensonge! Et pauvre chose!
Mon ange! Ma colère!
et je pensais au peuplier qui pousse dru sous ma fenêtre
Il me cache la montagne
Si verte, si verte, en été!
L'esprit ne nourrit guère la vache
Ni le taureau
Et l'herbe, si, et l'herbe si!
Comme tu étais petite, ô ma promise!
Tu ressemblais à toutes les autres étoiles,
Mais toi, tu pousses plus droite, et bien revêche.
Tout de même! Tout de même! toi qui m'aimes!
Toi, si franche pourtant si tu m'aimes!
Je compte, comme Adam, tes côtes et tes seins sous ta chemise, j'ai toujours été avare
De mots et de baisers!
Mais de tout temps mon coeur amoureux fut l'abri des nombres.
C'était temps des moissons, et des vendanges,
Je prenais soin à la pêche de revenir bredouille,
Nigaud, gribouille et gros Jean comme devant!
C'était ce que tu voulais, car tu es si jalouse!
ô Vierge et cloche de tous les clochers de mon coeur!
Ô ma colère!
Tu ne comprends guère les choses du sang
Et tu refuses tout amour!
C'est ce qui fait que tu m'aimes tant !
Et qu'en prude retour je t'aime tant!
Ah, mon sang impatient comme un sombre et jeune cheval!
J'ai toujours été une étrange cavale, un centaure!
Pourquoi nos amours auraient-elles le goût amer de la délicieuse absinthe?
Et du temps?
Tu le sais que je suis ton chemin, ô ma joie!
Non, tu n'as pas besoin de m'attendre: je suis là, et pour toi aussi, ma vierge rebelle!
ô tu es, toi, caresse aussi vaine que toute caresse!
Joie ardente et éventée de Champagne!
Mon beau nuage échevelé! Oh mon ange et ma nuée ! Oh Colère, ma colère!
Non, pas même toi n'avais besoin de tant m'attendre.
J'aime les nuages, les cieux les nombres et les moissons, parce qu'ils se taisent
Ainsi que des poissons
Et sont là avant que je ne vienne!
Que seraient les serpents que couvent les nuées, les rivières, et même les monts,
Si tu n'étais venue, pour eux également, car tu ne crains guère leur venin
Ni le mien!
Ah, que mon coeur est audacieux quand il baptise et oint
Comme le vil curé
De vin âpre blanc et montagneux
Le mensonge, o ma nuée, ô mon endormie, ô vérité, ô Nombre!
Ô mon absente, ma belle disparue de tout rêve, toute histoire et de tous les contes!