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écrits du sous-sol 地階から
23 mai 2018

la triste chose en soi

Kant expliquait que nous ne pouvions connaître ce que sont les choses en elles-mêmes. Nous devons pourtant poser les choses hors de nous, comme référent impossible à atteindre de toute science. Il s'agit en somme de garder à l'esprit l'idée d'une différence entre les phénomènes, notre connaissance logico-empirique du monde, et l'être des choses. Le réel, c'est l'impossible, expliquera Lacan, si c'est là une explication.

La notion de chose en soi, dont la fonction première était d'instiller une salutaire distance entre la connaissance et l'être, finit, avec le temps, par passer dans son contraire. Tout commença par la morale, la nécessité de donner de la substance aux croyances qui constituent le fond de l'éthique populaire, l'âme, la liberté, Dieu. Si Dieu n'existait pas, le méchant resterait impuni! Dieu est donc juste, de par sa fonction, et nous savons qu'il existe, puisque nous savons que la morale n'est pas un vain mot. Le méchant doit être puni, donc il le sera, de par cette foi morale. D'où la religion rationnelle. 

Rationnelle, elle l'est peut-être trop, contrairement à ce que dirait une critique un peu facile et paresseuse, car je crois, comme Simmel, qu'en réalité Kant n'avait pas su résister à la tentation de fermer son système, de l'achever, et donc de poser et même de penser tout de même l'inconnaissable. Il le pense sur le plan de l'agir certes, mais peu importe peut-être! C'est l'action vue par le logicien, ou plutôt le systématicien.

Dans la conception kantienne du droit, la propriété se distinguera de la possession physique (le vol, le recel, etc...) par la position d'un rapport en soi entre la chose (Res) et son propriétaire! Ainsi, le voleur ne supprime pas mon droit, car demeure cette relation non empirique entre le propriétaire lésé et son bien. L'on ignore ce qu'est la chose en soi, mais la relation pure de propriété, non phénoménale, échappe par miracle à cet interdit. Ce miracle tend à se confondre avec l'apriori,le caractère purement intellectuel de certains rapports que nous posons sans qu'ils découlent de l'expérience, ou du moins sans qu'ils se réduisent à l'expérience. Or à l'origine, l'apriori était en somme le signe, ou l'indice, que notre connaissance ne venait pas du réel, mais seulement de notre esprit, et que par conséquent notre esprit ne saisissait rien de ce réel. Mais comment ne pas se demander si cet apriori n'a pas quelque fondement dans l'absolu ? Le beau n'est que le sentiment, inséparable de la nature de notre esprit et de sa construction, d'une harmonie répandue dans la nature, mais si Dieu voulait faire signe par ce biais à notre esprit? Nous ne pouvons pas ne pas supposer que la girafe a un long cou pour attraper les plus hautes feuilles de l'arbre. Certes, nous devons rejeter cette idée, ce n'est pas une connaissance, elle n'est là que pour guider notre investigation du mécanisme de la nature. Mais nous ne pourrions pas non plus prouver que cette idée est fausse, du moins avant Darwin. La foi revient donc par la fenêtre, et c'était le but avoué de toute la manoeuvre, concilier la foi et la raison, métamorphoser la foi en production de la raison, quitte à distinguer plusieurs étages dans cette raison, la raison et l'entendement, Verstand et Vernunft.  

On voit mieux ce travers encore dans la critique du vaccin: qui sait, se demande Kant tout horrifié, si le produit injecté, d'origine animale, ne va pas contaminer pour ainsi dire d'animalité ce que nous sommes en soi, au-delà de l'expérience que nous avons de nous-mêmes?

C'est que poser un objet hors du champ de la raison conduit tôt ou tard du scepticisme au mysticisme.

Une aventure comparable peut-être arrivera à Comte, qui comblera par le sentiment l'abîme entre nous et l'être, en tout cas l'abîme entre nous et l'être des êtres, non pas Dieu, mais l'humanité historique et sociale. D'où le féminin et la religion de l'humanité.

Mieux vaut tard, et peut-être mieux vaut jamais! C'est aussi une question de vieillissement, je le crains.     

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Commentaires
R
Faut-il prendre « la chose » au sens littéral du terme ? Ainsi, elle existerait mais ne générerait qu’une connaissance de la part d’un être conscient quant à une forme de développement ou sinon d’usure qui aboutit de toute façon à son anéantissement à terme. Ainsi, chaque chose vivrait sa vie, comme une plante ou serait une chose matériellement différente comme un meuble, fruits du labeur. Ainsi, à plus ou moins long terme, toute chose est destinée à disparaître. Sur la base de cette appréciation, la notion de « contraire » semble inadéquate. En quoi résiderait alors « la fonction première » ? La fonction est une place qu’on occupe et qui dépend d’un processus. La graine devient une plante ou une fleur. Quant à l’être humain, sa fonction dépend d’une forme de prédestination sociale et de choix structurels ou conjoncturels. J’entends volontairement ne pas m’inscrire dans le schéma kantien qui m’est suggéré considérant qu’il m’appartient de réfléchir par moi-même, nonobstant la reconnaissance explicite d’une forme d’inculture philosophique dans un contexte de spécialisation plurielle, d’où bien souvent une incompréhension des concepts et leur variabilité dans l’appréhension.<br /> <br /> Précisément, puisqu’il est question de droit, l’appel aux notions de propriété et de possession peut s’analyser par rapport à la chose mais également au sujet, compris alors comme l’être vivant et généralement humain. Ignorer la valeur de la chose ? Cette valeur est toute relative. Elle dépend de la subjectivité et bien souvent des capacités du propriétaire, la possession en tant que telle constituant une forme de frustration. La possession n’est pas la maîtrise absolue de l’objet et encore moins du sujet tel que je l’entends. Le principe même de la propriété serait-il la transgression d’un interdit ? Sauf action frauduleuse, la propriété est le paiement d’un prix et seule l’origine de l’argent pourrait entraîner une considération à caractère moral. En quoi un objet hors du champ de la raison conduirait tôt ou tard au scepticisme à l’origine pour finir au mysticisme ? On n’en revient à la compréhension de nos propos respectifs. Une chose peut plaire puis déplaire et l’on s’en débarrasse. Il en va de même du sujet d’ailleurs… quant au mysticisme, faut-il comprendre « fétichisme » ? L’appréhension de la chose se fait au fur et à mesure du temps, de son utilité, et de son caractère évanescent lorsque le propriétaire ou possesseur disparaît avec ce questionnement : « que feront mes descendants de ce que j’ai tant aimé ? ». Ainsi, j’illustre la question du vieillissement au-delà de l’usure et du désintérêt, au grand désarroi de celui qui est probablement un matérialiste, expression péjorative. Au final, parlons-nous des mêmes concepts ? Cela m’amène à une réflexion personnelle. Entre le désir par rapport à la chose et sa possession, outre a priori sa propriété, je me vois contraint en termes de potentialités, à titre d’exemple, à éviter dans la mesure du possible tout intérêt particulier (réfréné) vis-à-vis de l’œuvre de Frans Hals car je serai toujours celui qui aime cet objet qui est hors d’atteinte.<br /> <br /> Il ne me paraît pas nécessaire d’établir une digression en matière de possession ou de propriété vis-à-vis d’autrui car à mon sens, cela n’aurait guère d’intérêt.
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écrits du sous-sol 地階から
  • Confiné dans mon sous-sol depuis mai 2014, j'ai une pensée pour tous les novices du confinement! Mais comme j'ai dit souvent, tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre...
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