Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
écrits du sous-sol 地階から
22 mars 2020

La complainte du confiné

Complainte du Confiné

Ce matin comme tous les matins je me suis levé.

J'ai pensé à Madame le Juge

J'ai pensé à Madame l'avocate

Et à la liberté

J'ai pensé à Monsieur mon frère,

à Madame ma soeur, à Madame la banque

Toute dévalisée, et à la liberté

J'ai pensé à la fille qui retient son amour

Comme un bisou volé

Et à la liberté

Il y avait tant de murs qu'il était difficile d'avancer

J'avais pour cela besoin d'une espérance

Une espérance vague à mon coeur conjuguée

L'amour aurait fait l'affaire, une chanson un poème aussi

Comme un poinçon doré sur le nez de Madame le Juge

Sur le nez de Madame l'avocate

Sur le nez de Monsieur mon frère.

Pourquoi l'avais-je au juste assassiné ?

Et sa banque dévalisée ?

Oui, pourquoi toutes ces mauvaises pensées

Comme un éclat de rire

Dans le sang printanier

Du pinson emprisonné?

Explication : ce poème m'a été inspiré par un film de Denis Villeneuve, Enemy, 2013 (avec Jake Gyllenhaal et Mélanie Laurent).

La prison, c'est à la fois la vraie prison, le système judiciaire, avec ses avocates et ses juges-femmes, ses braqueurs et ses assassins, et le féminin.

Comme dans le film, le prisonnier se dédouble, d'où le frère, l'ennemi, le frère ennemi.

Autres inspirations:

l'Existentialisme (Kierkegaard): l'angoisse, c'est le quotidien, la disparition de la possibilité. Le stade esthétique, le stade moral, la religion enfin, d'où l'espérance.

Kafka: les murs que le messager rapide se doit d'abattre pour parvenir à moi. Si bien qu'il n'y parvient pas.

C'est aussi Spaggiari dans son égout.

Stade moral, ou plutôt immoral: prisonnier de soi, de son avarice, de sa colère. Mais voici qu'un matin de printemps, par exemple un 10 mars, le musicien est tout à sa musique, stade esthétique. Liberté en cage, liberté ensanglantée, mais liberté. Le chant du pinson, sorte de rire qui se moque bien du sang et de son éclat rouge, comme la vie. La mauvaise vie.

Remarques additionnelles:

 

Savoir obéir, se faire instrument efficace et souple, est la forme nippone de la liberté. Je suis libre dans les liens, parce que je veux, et non par résignation, par résolution, 決意 (ketsui) épouser ces liens. Thème de l'épouse. J'en fais trop, plus qu'on me demande. Dimension ironique de ce supplément d'obéissance. Ici l'humour revient à faire de l'assassinat d'un frère une simple mauvaise pensée. Caïn et Abel. La cérémonie zen du thé: je me concentre sur les étapes, les instruments, de la cérémonie, j'en fais une oeuvre d'art, mais par là même je libère mon esprit, ce n'est pas qu'il ne pense rien, ce n'est pas qu'il pense au rien, c'est qu'il pense-rien: 無 (Mu).

Non, je ne sais pas ce que cela veut dire!

Kafka: en turc, cela sonne comme Dispute, KAVGA, qui ressemble d'ailleurs aussi au KENKA japonais:

 喧嘩

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
R
Voici que dans l’énigmatique sous-sol spartiate, à la lumière du néon, aux murs en béton ou en mauvais aggloméré, dans cet environnement sinistre, vient logiquement la pensée de la prison. Mais il s’agit ici d’une prison consentie. Il n’y a visiblement pas de gardiens.<br /> <br /> Voici que le juge est une femme, l’avocate une femme, la sœur est la sœur et la banque est une femme. Vient s’ajouter « la fille ».<br /> <br /> Il n’est pas étonnant qu’avec autant de murs, il était difficile d’avancer.<br /> <br /> Quant au frère qu’on assassine, était-il bien le gérant de la banque ? Pourquoi le voler ? Fallait-il en plus l’assassiner ? Pourquoi cette préméditation ?<br /> <br /> Quant au pinson empoisonné par la vie, ne dit-on pas « gai comme un pinson » ? Pourquoi ce choix ? Excluant le vautour que je déteste, l’aigle présomptueux, je préfère le corbeau qui me paraît mieux adapté à la condition humaine. Le corbeau, celui du gibet. Celui qui se repait de la chair du pendu.<br /> <br /> Finalement, le frère qu’on ne choisit pas n’est-il pas ce corbeau ?
Répondre
écrits du sous-sol 地階から
  • Confiné dans mon sous-sol depuis mai 2014, j'ai une pensée pour tous les novices du confinement! Mais comme j'ai dit souvent, tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre...
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 69 786
Pages
Newsletter
2 abonnés
Publicité