Couper les cheveux du Roi chauve en quatre avec la logique

"Le Roi de France est chauve." Le présupposé, c'est que la France est une monarchie. Comme ce présupposé est faux, la proposition n'en est pas une, elle n'est ni vraie ni fausse.

Démonstration: Si le roi de France est chauve, alors il existe... Mais il n'existe pas. Par conséquent, il n'est pas chauve. La proposition semble fausse. Donc il est non chauve, chevelu. C'est absurde. La proposition n'est donc pas fausse, et elle n'est pas vraie non plus. 

Je ne peux donc pas, par contraposition, déduire qu'il n'est pas chauve, donc chevelu!! Ou bien, je dois admettre que les deux propositions en apparence contradictoires sont pourtant toutes les deux fausses... Qu'elles ne sont pas entièrement explicites.

En revanche, la proposition suvante ne pose aucun problème de ce type:

"Le chauve n'est pas Roi de France"

 C'est comme si l'on demandait (langage en situation et non logique standard): "Est-ce le Roi de France qui est chauve?"

"Ce n'est pas le Roi de France qui est chauve, en effet il n'existe pas". Ici, cela fonctionne.

On ne dit pas qu'il est chevelu, implicitement, comme dans "le roi de France n'est pas chauve. "On dit "cet individu qui existe et qui est chauve n'est pas roi de France, car nul individu n'est Roi de France". On peut aussi comprendre: "un chauve n'est pas Roi de France", car il n'y a pas de Roi de France. Aucun des éléments de l'ensemble des chauves n'est Roi de France. Peu importe s'il y a ou non des chauves, contrairement à la formule: "Ce chauve est-il roi de France?"

Dans ce dernier cas, on présuppose un chauve, et on se demande ensuite s'il est roi de France, quand dans le problème classique, on suppose un roi de France, et on se demande s'il est chauve. 

Ce n'est donc pas la forme a=b, réversible comme on sait. C'est: A qui règne en France de plus n'a pas de cheveux... A règne en France ET A n'a pas de cheveux. Cette dernière forme est réversible, commutative. Mais "A règne en France" est fausse pour tout A, on le sait. La proposition est donc bien fausse, au même titre que A règne en France ET A a des cheveux.

En français, c'est l'article défini qui porte cette nuance: le Roi de France est chauve, et non le chauve est roi de France. En japonais, c'est la différence entre -wa et -ga, le thème et le sujet: En ce qui concerne le Roi de France-wa, il-ga est chauve. 

Le chauve est Roi de France: Ce A qui est chauve règne en France. Non, car nul ne règne en France. Donc ce A ne règne pas en France. Il n'y a ici aucun paradoxe.

Le roi de France n'est pas chauve. Donc il est chevelu ? Non, il n'y a pas de roi de France, il n'est pas chevelu non plus, ni rien. Il y a un paradoxe, ici. On peut le lever en disant que c'est " le roi de France existe et est chevelu" qui est faux. On réintroduit l'existence là où on croyait traiter de l'essence, comme "le triangle est triangulaire", "le père Noël est barbu". On peut dire que le père Noël est barbu et qu'il n'existe pourtant pas, car on traite de son essence, sur un mode contrefactuel. Si le père Noël existe, alors il est barbu et généreux. Mais il n'existe pas en réalité.

Ou encore: certains enfants croient au père Noël et croient qu'il est barbu. Pour ces enfants, un père Noël sans barbe est une contradiction (problème des "attitudes propositionnelles", que j'appellerais plutôt problème de modalité subjective).

Le roi de France est roi, il porte une couronne, il est puissant. Peut-être, s'il existait, ou dans le passé, ou dans le rêve de Macron, mais il n'existe pas.

En mathématiques : "les pyramides de Platon reliées par un sommet commun et emboîtées sont inscrites dans une même sphère". Mais elles ne s'emboitent pas, n'en deplaise à Aristote et à Averroès. Et certes ce n'est pas ici l'existence qui est en cause, c'est la possibilité.