Comme un automne en été
Automne de tous les étés!
Septembre ravive ma souffrance d'enfant et je sais alors combien tu es loin, mon amour. Il est tard aussi, hélas, mon épousée, même si je retiens le temps qui passe, le temps qui passe, qui passe, de toutes mes forces, de toutes les forces de mon amour, de toutes les forces de mon désir, de ton souvenir, de la mélancolie.
Souvenir est dit-on en ta langue étrangère, qui est mienne aussi, souvenir est hameçon dont le temps est le fleuve et le poisson!
Et le temps fuit et nos amours aussi! Ta face pourtant demeure et c'est en toi, ô ma fuite, que je gîte, je gîte comme un navire encalminé, éperdu parmi les clapotis d'un bien triste océan. Sargasses, triangles de toutes Bermudes, ohé, m'entendez-vous? Ah, échos de mon cœur, ah, écho de ton cœur, ma belle Sirène aux cheveux drus et à l'haleine poissonnière, o belle épousée de tout océan.
Automne, et ton absence, font revivre une fois encore les feuilles mortes qui jamais ne reviennent, et j'irai, à mon tour, comme tant d'autres, à l'enterrement de ton absence, et de nouveau, soleil de mes nuits, de toutes mes nuits sans rêves, tu seras là, dedans mon coeur. Alors, il est vrai, je ne serai plus si perdu, car toi, mon île, tu es ma compagne! Mon épousée! Ma refusée! Le Vendredi de tous mes dimanches! Le campanile de toutes les Eglises! Comme il sonne, et résonne, l'angélus de l'amour et des désamours!
L'éternité, ô mon Epouse, revit de toutes ces larmes que tu n'as pas versées, et des autres encore, oui de tes larmes, car tu es larme, ô ma douleur, o mon glas, et tu es belle comme ton jour, et tu es belle comme ma nuit!
Qu'y puis-je si, pour moi seulement, un peu pour toi aussi pourtant, les contraires se mêlent et se confondent! La nuit et puis le jour, fidélité et adultère, la haine, et puis l'amour, la douleur et tous ses plaisirs.
Quel mauvais sort, quelle pierre, agate funeste, ou bien était-ce une opale infâme, m'interdit alors de te dire que je t'aimais? Que je t'aime? Tu m'interdisais ces mots, tu m'interdisait tous les mots, tu craignais tant, sans doute, leur magie émoussée, poussive, et tu fuyais tant, o ma fuite, que jamais, jamais, je ne connus tes lèvres, et tes yeux clairs étaient si doux! Ah, le breuvage clair et doux de tes regards rares et langoureux.