poème du joli mois de mai, poème sans muguet
Poème sans muguet, poème du mois de mai, du joli mois de mai
Poème du moi de mai,
Du joli mois de mai, sans fruits sans fleurs et sans muguet
Cueillir des brins de mots, quelques brins de mots poussés d'un être silencieux et qui tintent ainsi que des clochettes dans l'air frais d'un pieux matin
Un matin pieux et herbeux, ô clarines des prés de France, ô fruit de colchique des prairies du Morvan!
Un Mantra que l'on sussure comme de l'eau qui bout, un abracadabra oublié, et que l'on n'a jamais su. ô clameurs de l'Orient, et de tous ses oublis, il est une autre fleur, plus splendide et plus torve que le muguet, un autre coquelicot, coquelicot de toutes les fumeries de toutes les Chines, et une autre herbe, d'autres alcools que ceux du franc Morvan, d'autres ivresses et d'autres mots que ceux du frêle mois de mai.
Ah, tout de même, qu'elle est loin, cette langue ignorée et muette dont tu rêves parfois...
Ah qu'il est humble, utile pourtant, utile peut-être, ce cadeau que l'on offre aux inconnus qui passent. Que feront-ils de ton offrande? Qu'en feront-elles?
Et que peut-on faire, en Vérité, de trois mots six sous qui ne disent pas s'ils vous aiment?
explication:
Je n'ai pas eu l'idée de ce poème, déjà ancien, à l'occasion du confinement ... Mais rétrospectivement, il en va autrement, dit du moins mon oracle intérieur, et menteur....
Pourquoi le mois de mai en avril? A qui n'as-tu pu offrir, un jour de mai, la marguerite du silence, et de l'amour? Qui donc a fui à ton approche?
Car il ne s'agit guère ici du muguet, plutôt de la marguerite - les deux noms se confondent presque il est vrai dans mon ignorance enfantine de la nature - fleur qui nous demande inlassablement si on l'aime, un peu, beaucoup, pas du tout, et encore d'autre chose: Le muguet, et toute fleur, mot, langue, qui pousserait d'un être silencieux, ignoré, énigmatique; chaque fleur serait à son tour le mot du silence... le mot d'un silence. Séraphine de Senlis et ses dessins de fruits et de fleurs, et de feuilles, et d'arbres... Verlaine, fruit, fleur, branche...
Et il existerait encore une autre langue, où coquelicot se dirait pavot... Est-ce à vrai dire la même langue, et le silence est-il en somme une langue inconnue et orientale? En tout cas, il est question de l'ivresse poétique, du fait qu'elle nous conduit vers l'en-deçà du langage au sein même de notre langue familière... Vers l'art. Mais il arrive que l'on ait plusieurs langues familières...
En écrivant cela, je pensais surtout à vrai dire (comme souvent, en ce monde accablant, empli de prédateurs à face humaine) aux vers d'Aragon, Avoir été peut-être utile, C'est un rêve modeste et fou Il aurait mieux valu le taire Vous me mettrez avec en terre Comme une étoile au fond d'un trou
Et aussi à l'usage catastrophique que font ces prédateurs du bien commun, la langue, ou le langage, dont ils usent comme d'un piège pour leurs semblables. Bref, il s'agit comme toujours de morale autant que de poésie!
Et je cherchais l'adjectif qui caractérise le mieux les clochettes du muguet, et je ne le trouvais pas, et si je l'avais trouvé je l'aurais accolé aux mots entrelacés, pour qu'ils ressemblent tout de même au muguet, qu'ils niaient pourtant.
J'ai finalement pris le problème dans l'autre sens, et trouvé "brins de mots". "Cela vaudra ce que cela vaut", "cela vaut ce que cela vaudra" se dit le bricoleur-poète.