je n'ai point une âme comme celle des autres
J'ai décidé, peut-être à tort d'ailleurs, de creuser mon sillon, de revenir sur certaines de mes métaphores pour les filer davantage encore, moins dans l'espoir d'être compris que pour jouer de mon instrument mental, de mon écriture. Peut-être aussi pour feindre la folie, voire le génie, ou repérer de quelle nature singulière ou commune est faite cette folie, cet amour que je porte et que j'enferme en moi comme en une cage, une prison.
Poème, en gros caractères, mais point trop gros, comme il sied à son objet, la mélancolie
Je n'ai pas une âme, disais-tu, comme celle des autres
En guise d'âme, il est vrai, je n'ai que ce puits, je n'ai que ce piège, où tu n'es point tombée
Mais il est, tu l'oublies, ma mie, à ta semblance.
Et qu'ai-je voulu dire?
J'ai voulu dire l'ombre, j'ai voulu dire le mal
Et la douleur
Que je porte en toi.
J'ai voulu dire combien était atroce, loin de toi, loin de moi,
ma solitude, quand elle se joint à la tienne
J'ai voulu dire la couleur de cette solitude
Elle est indigo, sache-le, juste comme la tienne!
Je n'ai pas une âme de poète qui chante le long des chemins
Le soir et le matin
Oh surtout pas le matin
La nuit peut-être, la nuit sans doute
Enfin, les nuits de pluie, et d'orage, quand il fait chaud, quand il fait froid
Quand je ne te fais ni froid ni chaud
Ma belle indifférente
Et je suis cette nuit, le sais-tu seulement?
Je ne connais de chemin que celui qui descend et conduit aux champs infernaux,
champs de nuit et de souffrance, où Pluton, dieu inquiétant
Dieu sans étoile
Pas même errante
cultive à l'envi l'angoisse des ombres
Elles n'ont pas assez de sang pour se souvenir
Et ne sont que souvenir
La foi, la flamme vaillante, fragile et vacillante que j'ai gardée de toi
Nous n'étions pourtant jamais ensemble
Non, ni mon âme solitaire, qui n'est pas une âme
Ni ton âme farouche, qui n'est pas une âme
n'étaient jamais ensemble
Nous étions si sauvages
Nous étions si savants
Jamais ton regard ne croisait le mien
C'est que tu m'avais deviné, j'aurais dû happer ta main comme on happe une rosée, et la baiser.
Mais je ne sais point le faire, car je te le dis comme toi, comme moi,
Je n'ai point d'âme amoureuse
Point d'âme comme celle des autres
Je ne suis que le gris Orphée qui erre
Poursuivi par l'ombre vive de ton souvenir
Ombre pleine de sang, ainsi qu'une mouche, un remords, un vampire
Explication : il arrive que pour vous traiter poliment de dingue une dame use de métaphore. L'imagination poétique a fait le reste, elle qui au rebours de ce qu'on croit peut-être, prend cela au premier degré et fait de cette rhétorique féminine un propos magique et fascinant, une signification absolue, hors de tout contexte, ou bien un contexte tout philosophique.