Gauchet a encore frappé, et Blais et Ottiavi
Transmettre apprendre, Stock, 2014
Ces deux mots titre condensent le problème de l'école d'aujourd'hui. L'école s'épuise à courir après le contraire de ce qui la définit, c'est-à-dire qu'elle nie la transmission, mot devenu tabou. en d'autres termes, l'enfant est censé construire ses savoirs tout seul. C'est un mythe, ça d'accord.
Mais d'où tire-t-il sa force extraordinaire, ce mythe? De ses cheveux, tel Samson? Non. De la science? Encore moins! Autant imaginer qu'un avocat se soucie du droit et de la justice!
Selon Gauchet, cette force naît au confluent de deux séries bien distinctes, en clair de la rencontre de la vieille "pédagogie nouvelle" et de l'individualisme contemporain, à ne pas confondre avec l'humanisme émancipateur. Internet lui même a cette dimension idéologique, il s'est coulé dans le mythe d'individus qu'aucune hiérarchie ne cadre. Pauvre poucette!
Il faudrait en somme oublier le néo-darwinisme des pragmatistes comme la psychologie de Piaget, et exhumer la psychologie de Vygotsky, qui accorde un rôle central à la culture, à l'outil linguistique, en particulier l'écriture, et bien sûr à la relation adulte/enfant. Quoi, un soviétique?
Apprendre est difficile, suppose une conversion mentale via l'écrit, alors pourquoi apprendre? En jouant l'apprendre contre le transmettre, on renonce bien vite au savoir également, et le mot devient tabou à son tour. Bref, toute pédagogie qui présente l'apprendre comme spontané, facile, est bonne pour la poubelle.
Gauchet et ses compères rédécouvrent sans le dire la pédagogie d'Alain, et en le disant davantage la philosophie de Reboul. Ils se déguisent en agneaux, qui dans la conclusion veulent simplement accorder une place nécessaire au transmettre à l'école, sans revenir en arrière.En particulier ils ne croient pas qu'on puisse sauver l'école par la morale citoyenne. Pauvre Peillon!
C'est le souci de soi de l'individu contemporain qui le fera renouer avec la culture et avec l'écriture, si je comprends bien. En tout cas, on n'apprend pas à lire comme l'adulte lit son journal, globalement - et mal.
On n'apprend qu'en passant par des cadres et des méthodes formels, artificiels, réflexifs; apprendre n'est pas dans la continuité de la vie ou de la rue, c'est une rupture.
Bien intéressant tout cela, mais qui le lira sérieusement parmi nos bonzes de la pseudo-pédagogique qui parle le volapük sans l'avoir jamais appris?