j'avais oublié cette colère rouge
J'avais oublié cette colère rouge, les poings serrés à vous faire mal dedans les poches trouées de l'écolier parisien. A présent, je me souviens, et me souviens bien, de cet ange bouclé, revenu d'Abyssinie, toute marchandise vendue, toute vodka bue! Et la honte bien mâchée, et remâchée, et aussi le qat!
Ah le poing fermé de la volonté, qui d'un grand geste menace le vide du ciel!
Les cheveux sales, emmêlés, raides pourtant, comme les baguettes du tambour de la renommée!
C'était un ciel radieux d'hiver, il faisait froid dans ma chambre, et je tenais de mes doigts gourds le crayon de la fortune!
Femmes! A force de patates et de pois chiches, de riz cassé trop cuit, je me sentais le ventre plein d'une eau plus riche que les diamants de vos yeux!
Je trouvai sous ma couche pisseuse, contre le mur sale, des pièces rouillées de 20 centimes, que la boulangère gironde des beaux quartiers troqua contre un gros pain en me regardant avec reproche. Ah le parc Monceau où je trainais en vain en quête de quelque poème prolétarien!
(je préférais le reproche au mépris, car le reproche suppose la déception, le prix revu à la baisse après l'achat, mais ceci n'est guère poétique...) C'était une colère rouge d'homme isolé, qui se sentait bien des frères, en ce temps qui ignorait le net, et se souvenait à peine de l'Internationale et moins encore du chant des Partisans.J'étais le frère de Jack Palmer, et j'habitais sa chambre, le trou vaillant dans le mur en moins, pour autant qu'on puisse ôter un trou du plein!
Colère rouge, faucille, marteau!
Jack Palmerovitch