Claudel: à mesure que tu parles, j'écoute.
Heureux l'enfant qui ouit le sourd appel de la langue et du poème, seriné par une mère lointaine comme le rivage bleu d'un pays étranger et grec! Il fit effort pour comprendre, et ne comprit point. Ah le contrepoint qui à jamais l'éloigna de la pesanteur du soi! Belle musique en vérité si la colère jamais ne la submerge! Quel est donc ce meilleur en nous qui ne nous ressemble point et qui hante notre coeur assoiffé de peines fécondes?
Explication: comment la pulsion d'être soi se confronte-t-elle au monde, et aux autres, pour se faire, parfois, liberté? Car elle trouve la plupart du temps, en guise d'appel du lointain, l'odieuse séduction du proche, du semblable, et ainsi la violence qui la renferme en de brutaux idéaux!
Voici ce qu'écrit Merleau-Ponty dans son cours du 11 février 1954:
"Au début : identification : exigence absolue que l'autre soit moi et que je sois l'autre. Mais cette exigence est transfigurée par la " mère parlante"=Du milieu même de l'identité naît un appel à la différence (et à la reconquête de l'identité), et cette identité pèse de tout son poids pour rendre accessible le langage de la mère, i.e. pour faire que ce qui est dit soit justement ce qu'on vivait silencieusement: "à mesure que tu parles j'écoute" (Claudel): se rejoindre dans le sens, la réciprocité, non plus dans l'immédiat.
Je dirais plutôt se conjoindre dans le mystère, le non-sens plein de sens, et se disjoindre tout autant.
Bubela, dertseyl mir a mayse.