la douleur : impossible phénoménologie
Impossible phénoménologie de la douleur, comme le temps, elle se définit par sa tendance à ne plus être, et cette définition trahit ce qu'elle est, sa présence indiscutable et intolérable.
De plus en plus s'impose à moi, comme raison d'être de tout ce labeur d'écriture, qui bien sûr ne mène à rien, un effort pour décrire l'indescriptible, je veux dire l'expérience de la DOULEUR, cette expérience étrange, que rien ne justifie, que l'on oublie et camoufle par des concepts dès qu'elle s'est enfuie. La survie est sans doute à ce prix. Une expérience qui n'a pas d'autre sens que le désir de ne plus être, car l'homme qui souffre, et plus encore l'enfant, n'est plus rien que la souffrance. Or la souffrance, par nature, tend à son abolition, même chez le masochiste, qui la recherche, dit-on du moins.
Rien de comparable du côté du bonheur, en tout cas du côté du plaisir. C'est sans doute ce qui fait que le choix du masochiste est le meilleur - et le plus absurde - qui soit: le plaisir est contestable, la douleur est incontestable, pour celui qui souffre. je me souviens pourtant d'un dentiste qui m'avait répondu qu'il était impossible que j'aie mal à la dent qu'il avait soignée, ou charcutée... Mais ce n'est pas un choix, bien sûr, et c'en est quand même un, bien sûr.
Il ne s'agit pas de pleurnicher, encore moins de se venger du bourreau. Après tout, dans l'enfermement indescriptible de mon enfance, cette douleur fut une clairière, une ouverture, une question, qui ne m'a pas conduit à dieu, mais à son absence.
Questions annexes
Et qu'en est-il alors du plaisir et du déplaisir de ne pas être lu?
Ou bien pas par ceux à qui ce message est destiné?
Est-il destiné à quelqu'un d'autre que toi-même? Est-ce un "lui" ou bien une "elle"?
Et si la douleur ressemble au temps, qu'en est-il de sa durée propre? Et est-il vrai que le temps tende au néant, à se nier lui-même? N'est-ce pas tricher, introduire subrepticement la douleur au coeur du temps lui-même?