Eurydice de mes nuits
Eurydice de la nuit, et de mes étés,
tu me disais alors que tu ne m'aimais guère - et une fois encore je ne te croyais point...
Et tandis que tu dors à mes côtés, je te cherche, toi l'absente de tous mes rêves ; je te cherche, une lanterne à la main, verte comme il se doit, dans tous les labyrinthes
Surtout ceux de ma cervelle...
Car en rêve du moins ma cervelle est une ville, ville dont je n'ai plus le plan depuis longtemps... Il est vrai que dans mes souvenirs l'été est surtout de la couleur de l'ombre
De la couleur des ombres
De la douleur des ombres, ô mon épousée
Et tandis que je dors à tes côtés, confiné, en quelle ville atroce t'es tu égarée ? Quel molosse, quel cerbère s'est-il en grognant, en hurlant à la mort, à tes pas menus et tendres attaché ? Oh, mon épouse !
C'était un mois d'août au parc du Luxembourg, j'errais effaré et fou sous les arbres sans nom car j'ignorais la nature, les essences, je ne connaissais que le platane dont l'écorce dit les atroces peines, et toutes les maladies, oui, les maladies, et qui pourtant fleurit au printemps et porte ses fruits sphériques, incomestibles, incompréhensibles!
et je connaissais aussi le pigeon, un peu moins le moineau dont plus tard je sus pourtant les innombrables frères, à Java, ceux que l'on nomme burung gereja et qui hantent là-bas, vraiment très loin, et comme ici, toutes les églises.
Du peuple sans nom et sans ombre des poissons, je ne connaissais guère enfant que deux d'entre eux - outre les requins des films, les poissons volants des bandes dessinées - le poisson rouge anxieux et le délicieux gefiltefish...
Ah! J'ai oublié le poisson d'avril !
explication: il arrive - que l'on s'appelle Orphée ou bien non - que l'on rêve de la personne qui dort depuis trente ans à vos côtés, ou même que l'on rêve qu'elle a disparu, qu'on la recherche, et quand on se réveille on est si heureux de la retrouver, qui dort encore.
Proust: les chagrins sont des serviteurs atroces, impossibles à remplacer et qui par des voies souterraines nous mènent à la vérité et à la mort.