hiver
Ô totems de pierre grandes cheminées qui ornez les toits d'Angers! Quel goût a-t-il le morceau de pain oublié, et l'eau qui stagne qui stagne le long des rues, des routes, des chemins? Prête-t-on jamais aux choses leur voix? La ville s'emmitoufle hivernale en ses fumées et ses brumes toute chose s'estompe toute voix s'amortit comme en une autre nuit, nuit couleur du givre blanc.
Ô, fumées, volutes, qui depuis Verlaine formez des cinq et vous interrogez, vous êtes si semblables à ma pensée de bois trop vert, de bois mouillé, qui fume, qui fume, sans me réchauffer, tandis que le vent gelé souffle, souffle.
Cogito singulier de ce poème:
Je posais sur chaque trottoir un point d'interrogation semblable à une fumée qui fuit - ainsi que ma pensée de bois mouillé - sa propre cheminée.
Explication
Il s'agit des choses, la cheminée de pierre, le morceau de pain rassis, l'eau et puis le vent. De quel droit le poète les fait-il parler? Mais sans lui, qui les écouterait, ces pauvres objets? Ils semblent bien proches de l'Extinction, du grand Rien, d'où ici le froid, l'hiver, et sinon la neige le givre, comme dans une estampe japonaise. Même la fumée n'est qu'une chose, qui ressemble électivement à ma conscience de bois mouillé, qui brûle mal, et qui fuit, me fuit. Vieillesse et hiver sans doute.